Shay, la « bad girl » du rap francophone

Vanessa, le vrai prénom de Shay, est la nièce du rappeur Youssoupha.

La belle a la voix cassée. Tous les week-ends, Shay s’égosille dans des discothèques de France et de Belgique, où elle chante ses deux tubes : PMW et Cabeza.Sur YouTube, ses vidéos totalisent près de 40 millions de vues. En quelques mois, la jeune Belge de 26 ans est devenue la nouvelle égérie du rap francophone. Depuis la retraite de Diam’s, il n’y a plus beaucoup de voix féminines qui tiennent la dragée haute à leurs collègues masculins. Shay a tous les atouts pour combler le vide laissé par la chanteuse de La Boulette : une personnalité bien trempée, une assurance, des paroles percutantes et pince-sans-rire (« Je suis du genre à te souhaiter la mort avec un sourire angélique », chante-t-elle).

Découverte par le patron du rap hexagonal, Booba, Shay a sorti son premier album, Jolie garce, le 2 décembre. Soit un cocktail enivrant de rap hardcore, de R’n’B et de rythmiques de pop africaine. Métisse d’un père juif polonais et d’une mère congolaise, Vanessa (son véritable prénom) est la petite-fille d’un des pères fondateurs de la rumba congolaise, Tabu Ley Rochereau, et la nièce du rappeur Youssoupha. « Je ne connais pas tout le monde dans ma famille. Youssoupha, je l’ai rencontré une ou deux fois seulement. On est très nombreux. Mon grand-père, disparu en 2013, a eu plus de 90 enfants. On était proches, et c’est lui qui m’a surnommée Shay. Dans la langue de son village, le kiyanzi, cela signifie “celle qui apporte la lumière”. »

« Je me suis retrouvée avec des camarades qui venaient de milieux aisés. Je ne supportais pas le décalage. » Shay

Pendant son adolescence, ce sont surtout des ennuis qu’elle apporte à ses parents, informaticien et comptable. Élevée à Bruxelles dans le quartier de Molenbeek, elle fréquente de bonnes écoles, mais ne se sent pas à sa place : « Je viens d’une famille modeste. Mais, à mes 8 ans, mon père a obtenu un bon poste à la Commission européenne et a eu le droit de scolariser ses trois enfants dans des écoles de qualité. Sauf que je me suis retrouvée avec des camarades qui venaient de milieux aisés. Je ne supportais pas le décalage. Certains sont forts et font abstraction de tout ça. Pas moi. »

Se raccrocher à « quelque chose de bien »

L’adolescente sèche beaucoup, fréquente les mauvais garçons. Pour la calmer, ses parents l’envoient un an à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Mais, à son retour, elle décroche complètement et se met en tête de devenir comme ses héros, bien loin des modèles d’une jeune fille ordinaire : le bandit new-yorkais Frank Lucas (qui a inspiré le film American Gangster, de Ridley Scott) ou la trafiquante de drogue colombienne Griselda Blanco. Un sursaut d’orgueil la pousse à passer le baccalauréat en candidat libre, qu’elle obtient.

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Le déclic de la musique survient à 20 ans. Son frère Olivier, alias Le Motif, qui compose bon nombre des titres sur son premier album, la pousse devant une caméra. « Il m’a dit : “Toi, t’aimes bien faire la belle, je t’écris un morceau et tu le rappes.” La musique était une reprise d’un morceau de Rick Ross, BMF. Il a trouvé le mail de Booba et lui a envoyé la vidéo. Quand ce dernier a appelé, j’ai arrêté toutes mes bêtises. J’ai vu l’occasion de me raccrocher à quelque chose de bien, d’y trouver un avenir. Même si je me rêvais en grand bandit, qui fait son argent toute seule, sans avoir besoin des hommes. »

En bon directeur artistique qu’il est devenu avec les années, Booba l’a laissée un temps faire ses armes dans des clips dignes des films de gangster de série B. Mais, depuis cet été, la jeune femme, plus mûre, soigne ses vidéos, plus esthétisantes (avec costumes, danseurs et filtres de lumière) et répondant moins aux clichés du ghetto.

Jolie garce, de Shay, 1 CD 92i/Capitol.

Le clip du titre « Cabeza »