Au plus bas des cieux avec Zemmour, de Villiers, Ménard et Buisson
« Mais je suis adhérente de Radio Courtoisie ! », s’étonne une femme à l’entrée du salon du livre. Elle n’a pas compris que le tarif réduit RC est réservé à Renaissance Catholique, l’organisateur du salon. « Socialistes ! », crient deux visiteurs à d’autres debout, qui bouchent la vue des derniers rangs de la conférence d’Éric Zemmour, alors qu’eux ont réservé leurs chaises avec une demi-heure d’avance.
Franchement, se fairetraiter de socialiste au salon du livre de Renaissance Catholique, au domaine de Grand’Maisons, ancienne propriété du château de Versailles, lors d’une journée qui accueille Philippe de Villiers, Robert Ménard et Patrick Buisson… En arriver à ce genre de disputes alors que, quelques heures plus tôt, à la messe de monseigneur Schneider qui se tenait dans ces mêmes lieux, on se promettait amour et entraide en latin… Quel exemple pour les scouts d’Europe venus là pour servir sandwiches et cafés ! « Nous, socialistes ? On vote Front national ! », répondent les importuns.
Pourfendeurs de la « bien-pensance »
« Nous vous attendons nombreux contre le règne du politiquement correct », annonçait le programme. Comme si ses rédacteurs n’avaient pas remarqué que Donald Trump venait d’être élu président des États-Unis, ou que l’éventualité de la présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle française était encore un scénario de fiction. Un peu comme la gauche qui se croyait toujours dans la contre-culture durant les mandats de François Mitterrand, les pourfendeurs de la « bien-pensance » continuent à s’imaginer persécutés.
Dans le grand salon réservé aux dédicaces, un fan s’inquiète auprès de Patrick Buisson. « Qu’est-ce que vous allez faire maintenant ? » L’ancien patron de Minute le rassure : un nouveau livre, peut-être des films, et avec Zemmour, ajoute-t-il, ils discutent régulièrement de ce qu’il faudra faire « le jour où ». À propos d’Éric Zemmour : devant la table du chroniqueur du Figaro et de RTL, un lecteur s’émeut de la mise en garde du CSA à son sujet. « Ça va aller », le réconforte l’auteur de best-sellers. Quelques stands plus loin, un fan s’indigne devant Robert Ménard du traitement injuste que les médias lui réservent. Le fan club de la « droite hors les murs », comme on l’appelle, a réellement fini par croire que ces auteurs de succès de librairie présentés sur toutes les têtes de gondoles de France étaient victimes d’une atroce censure.
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« N’hésitez pas à vous approcher de la table d’Éric Zemmour, il n’est pas là pour toute l’après-midi », presse une voix au micro… Zemmour a été placé dans l’ombre du king de la signature : Philippe de Villiers, dont les groupies achètent les livres par trois, quatre, cinq, et qui se demande en titre de son dernier livre si « les cloches » des églises « sonneront encore demain ».
Fillon candidat des cathos ? « La blague ! »
Magie des plans de table et des attelages de circonstance, Patrick Buisson qui, malgré sa mise en examen, s’est racheté en ville une image de spécialiste de l’opinion des petites gens, se retrouve à côté de monseigneur Schneider, calotte et soutane violettes. Les plus traditionalistes savent que l’évêque auxiliaire du Kazakhstan ferraille contre l’admission des divorcés à la communion. Ce prélat parmi les plus intégristes au monde n’est pas loin du schisme et vient de consacrer un livre à la communion (qu’il faut recevoir à genoux et sur la langue plutôt que dans la main). Quand la Manif pour tous se mobilise contre le mariage homosexuel, lui ne cède rien sur le terrain du divorce. « Un frère de mon mari a divorcé, approuve une visiteuse. Les gens disent : “Il est libre maintenant”… Mais non, il n’est pas libre ! »
Posé sur la table entre l’évêque et Buisson, l’exemplaire de L’Homme nouveau, bimensuel traditionaliste auquel l’ancien conseiller enregistreur de Nicolas Sarkozy a donné une interview de quatre pages. Buisson voit en la chrétienté « un trésor inestimable que nous avons reçu en dépôt et qu’il nous faut maintenant défendre contre des mystiques venues d’ailleurs ». Une nouvelle vocation. Pas de quoi réjouir le pape François, qui lave les pieds des migrants, ni la conférence des évêques que Villiers accuse de « cautionner le vivre-ensemble ».
Héros supposé de la droite catho, François Fillon ne fait pas l’unanimité non plus. « Candidat des cathos, la blague ! », titre le journal Présent à l’entrée du salon, qui rappelle que Marine Le Pen est la seule qui abrogera le mariage pour tous – pas François Fillon « avec ses gros sourcils de directeur d’école privée, son costume d’employé des pompes funèbres et son humour de notaire de province ». Dans son intervention, Philippe de Villiers rappelle que l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy a inauguré la mosquée d’Argenteuil, que son proche conseiller, Henri de Castries, ancien PDG d’Axa, est membre du fameux groupe Bilderberg, dans lequel l’ancien député voit l’épicentre des complots de la banque et de l’Europe. Murmure de l’assistance. Puis il s’en prend à Najat Vallaud-Belkacem qui a « sabordé l’enseignement du latin et du grec pour transmettre l’arabe et répandre l’islam ». En partant, l’écho des annonces au micro nous poursuit. « Chers amis, profitez du relatif calme dans la file d’Éric Zemmour… »
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