A Fremantle, en Australie, l’« Invasion Day » n’aura pas lieu
Chaque année, le débat resurgit. Est-il respectueux de fêter l’Australia Day, la fête nationale australienne ?Faut-il déplacer ce jour dans le calendrier ? La ville de Fremantle, qui compte environ 25 000 habitants, en Australie-Occidentale, a franchi le pas : les festivités seront organisées en 2017 le 28 janvier, et non pas le 26 comme dans le reste du pays. Une partie des Australiens, principalement des Aborigènes, a rebaptisé l’Australia Day (« le jour de l’Australie ») l’Invasion Day, (« le jour de l’invasion »).
Beaucoup d’anciennes colonies dans le monde ont choisi le jour de leur indépendance comme fête nationale, mais l’Australie a retenu l’arrivée à Sydney de la première flotte anglaise, des colons donc. Cette flotte était composée de 11 navires avec à leur bord plus de 1 300 personnes, des prisonniers principalement.
Le 26 janvier 1788, le capitaine Arthur Phillip a planté le drapeau britannique sur un territoire déjà habité : entre 300 000 et 1,5 million d’Aborigènes peuplaient l’île-continent, où leurs ancêtres étaient arrivés entre 40 000 et 60 000 ans plus tôt. Au fur et à mesure de la colonisation, la transmission de nouvelles maladies a décimé les communautés. Les Aborigènes ont été dépossédés de leur terre. Plus tard, jusque dans les années 1970, des enfants ont même été enlevés à leur famille, pour être élevés par des Blancs. Selon le recensement de 2011, les Aborigènes représentent 3 % de la population, soit 670 000 personnes.
Jour de deuil
Alors que de nombreux Australiens arborent fièrement leur drapeau le 26 janvier, portent des tongs ou des maillots de bain aux couleurs de leur pays, il s’agit plutôt d’un jour de deuil pour d’autres. Certains Aborigènes, plus positifs, en profitent pour célébrer la survie de leur culture, avec des cérémonies traditionnelles, malgré tout.
À Fremantle, l’incontournable feu d’artifice aura donc lieu le 28 janvier. Des Aborigènes se sont exprimés « haut et fort » ; « nous pensons qu’il est temps de reconnaître que ce n’est pas un jour de célébration pour tous », a déclaré le maire écologiste Brad Pettitt. La nouvelle fête, appelée « One day », sera « l’occasion pour tous les Australiens de se réunir et célébrer la diversité multiculturelle de [leur] pays ».
Le maire voulait aussi organiser ce jour-là les cérémonies de citoyenneté, qui réunissent habituellement pour Australia Day tous les nouveaux Australiens. Mais le gouvernement fédéral a opposé son veto. « La citoyenneté doit être apolitique », a déclaré le ministre adjoint de l’Immigration, Alex Hawke. La mairie doit renoncer à organiser les cérémonies le 28 janvier ou le ministère de l’immigration s’en chargera.
Car la décision de la mairie de Fremantle divise l’Australie. Tout en reconnaissant que la fête nationale était un sujet de « controverse », le premier ministre Malcolm Turnbull, chef de la coalition conservatrice au pouvoir, a estimé qu’il ne fallait rien changer. Le premier ministre de l’Australie occidentale, Colin Barnett, lui aussi conservateur, s’est dit « extrêmement déçu par le maire de Fremantle ». « C’est déloyal envers notre pays, c’est déloyal envers notre Etat. » Et les habitants de Fremantle auront bien leur feu d’artifice le 26 janvier : des restaurateurs ont annoncé qu’ils organiseront une célébration sur la plage ce jour-là : « Nous voulons maintenir la tradition. »
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