Victoire des Sioux contre le « Serpent noir » dans le Dakota du Nord

Le campement Oceti Sakowin, sur la réserve de Standing Rock. Des drapeaux indiens y côtoient le drapeau américain. Celui-ci est inversé, en signal de détresse extrême pour cause de menaces sur la vie ou la propriété.

Standing Rock, réserve des Sioux dans le Dakota du Nord, a laissé éclater sa joie hier. Jo-Ellen Darcy, sous-secrétaire aux travaux publics de l’armée américaine a enterré le projet de pipeline qui devait traverser la réserve indienne. « La meilleure façon de procéder de manière responsable et de façon rapide est d’explorer des routes alternatives pour la traversée de l’oléoduc », dit son communiqué. C’est clairement un geste protecteur d’Obama sur le départ, alors que Trump venait de déclarer son soutien au projet de la compagnie Energy Transfer Partners dans laquelle sa société a des parts.

Sept mois que le campement grossissait à Standing Rock, réserve de Sioux dans le Dakota du Nord, aux États-Unis. Les Indiens voulaient à tout prix empêcher le passage sur leur terre d’un oléoduc de 1 800 kilomètres transportant du gaz de schiste. Ils l’appelaient le « Serpent noir », une balafre sur leurs lieux sacrés, mais également une menace pour l’eau, car la moindre fuite contaminerait la rivière Missouri.

Les Sioux ont reçu le soutien d’autres tribus, d’aborigènes du monde entier, mais aussi des écologistes américains, de Bernie Sanders, du mouvement Black Lives Matter. Standing Rock est devenu le point de rencontre de la contestation, un angoissant face-à-face entre des militants désarmés et une police casquée usant de gaz irritants, de Taser et de canons à eau, tandis que la sécurité privée de l’entreprise Energy Transfer-Partners, chargée des travaux, lançait ses chiens. Barack Obama avait tenté un compromis en évoquant un tracé plus éloigné de la rivière. Rien ne doit passer sur nos terres, avaient répondu les Indiens.

Jaylyn Gough, de la tribu Navajo, ici accompagnée d’autres soutiens des Sioux, fait face aux forces de l’ordre, malgré les menaces d’aspersion de gaz lacrymogène (photo prise entre le 10 et le 15 novembre).

Ce mouvement ressemble à un réveil. Rarement les Sioux ont reçu un tel soutien, alors qu’ils se battent depuis longtemps contre les gouvernements et les compagnies qui rognent leurs territoires. « Ces terres sont vos terres, vous en avez l’usage et le bénéfice exclusif », disent les traités signés au XIXsiècle.

En octobre, les Sioux avaient perdu leur dernier recours devant un tribunal fédéral. Face à eux : l’industrie du gaz de schiste, sur laquelle les États-Unis ont bâti leur indépendance énergétique. Mais aussi des banques qui, selon l’ONG Food and Water Watch, ont financé les firmes en charge de l’oléoduc. Parmi elles, BNP Paribas (à hauteur de 450 millions de dollars), le Crédit agricole (350 millions), Natixis (180 millions) et la Société générale (120 millions). Il ne restait aux Indiens que la mobilisation de l’opinion. Elle a payé.

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