Choral et optimiste : le théâtre selon Alexis Michalik

Alexis Michalik, 33 ans, comédien depuis 15 ans et dramaturge depuis 13 ans.

C’est l’histoire d’une ascension. Fulgurante ? Jugez plutôt : en quatre ans et trois créations, Alexis Michalik collectionne les succès. Ses deux premières pièces – Le Porteur d’histoire et Le Cercle des illusionnistes – lui ont valu deux Molières (meilleur auteur francophone et meilleur metteur en scène d’un spectacle de théâtre privé), ainsi qu’un prix de l’Académie française. Quant à son nouveau spectacle, Edmond, il fait carton plein au Théâtre du Palais-Royal à Paris. Mais parler d’ascension fulgurante apparaît, comme souvent, simplificateur et réducteur.

Comédien à 18 ans, dramaturge dès 20 ans, il a accumulé, avec sa « bande », la compagnie Los Figaros, onze participations au festival « off » d’Avignon. Dans cette « jungle républicaine » qu’il affectionne tant, le public a vite repéré ce conteur d’histoires.

« Le succès a commencé là-bas », reconnaît l’homme de 33 ans au physique de jeune premier. Electron libre, il a eu le culot de ne pas donner suite à son admission au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Pas envie de se revendiquer d’une école et d’être empêché de travailler pendant le cursus.

En toute liberté

Il débute avec Irina Brook, qui lui offre le rôle-titre dans Roméo et Juliette. Puis adapte des classiques de Shakespeare (La Mégère à peu près apprivoisée, R & J pour Roméo et Juliette), doutant que son écriture puisse intéresser. En découvrant le théâtre de Wajdi Mouawad, il se dit « qu’on peut faire quelque chose de shakespearien même aujourd’hui ». Car l’autofiction, « je ne sais pas faire », affirme-t-il. Ce qui l’intéresse, c’est le théâtre de récit et de troupe.

« Il y a deux types d’auteurs. Ceux qui ont des choses à dire sur eux et ceux qui écrivent sur le reste du monde. » Alexis Michalik

Les idées surgissent au hasard, d’un peu partout. Le Porteur d’histoire est né lors d’une balade dans un cimetière, Le Cercle des illusionnistes a surgi après la lecture d’une anecdote sur Jean-Eugène Robert-Houdin et Edmond a été inventé après la découverte, dans un dossier pédagogique de Cyrano de Bergerac, que la première représentation de cette pièce d’Edmond Rostand fut un triomphe inattendu.

Alexis Michalik a « voulu raconter les mois qui ont précédé », en s’offrant la liberté de « broder », de mélanger le vrai et le faux, à la manière du film Shakespeare in Love. Le dramaturge emmène son public dans une aventure, loin, très loin des pièces centrées sur l’introspection des personnages, dont l’action se déroule autour d’un canapé et d’une table basse.

Il y a « deux types d’auteurs, résume-t-il. Ceux qui ont des choses à dire sur eux et ceux qui écrivent sur le reste du monde ». Parce qu’il n’a « aucun trauma ; jeunesse heureuse, parents aimants », il s’inscrit dans la seconde catégorie.

Des spectateurs happés

On dit son théâtre populaire. Il l’assume : « Populaire ne veut pas dire dénué d’exigence. » Son théâtre est surtout optimiste : il n’est jamais trop tard pour ouvrir des livres(Le Porteur d’histoire), il n’y a pas d’âge pour suivre ses rêves (Le Cercle des illusionnistes), les gentils peuvent un jour prendre leur revanche (Edmond). « J’aime raconter qu’il y a toujours quelque chose de possible. »

Son théâtre est aussi choral. A chaque fois, une dizaine de comédiens, sans têtes d’affiche, interprètent plusieurs personnages. « Je veux qu’ils soient heureux, et qu’ils aient tous des rôles équivalents. » Son théâtre enfin est chorégraphique, voire cinématographique : les changements de décors et de costumes s’effectuent à vue dans un tourbillon d’une incroyable fluidité. Tous ces ingrédients lui permettent d’accrocher immédiatement le spectateur. Les récompenses, les Molières ? « Cela fait une question en plus pour les journalistes », s’amuse-t-il.

La bande-annonce de la pièce « Edmond », par Alexis Michalik

« Edmond ». Théâtre du Palais-Royal, 38 rue de Montpensier, Paris 1er. Jusqu’au 31 mars 2017.

« Le porteur d’histoire ». Théâtre des Béliers, 14 bis rue Sainte-Isaure, Paris-18e. Jusqu’au 28 janvier 2017.