Mises à jour de septembre, 2016 Activer/désactiver les fils de commentaires | Raccourcis clavier

  • admin9596 7:31 am le September 15, 2016 Permaliens  

    Hypocrisie, embrigadement, irresponsabilité : Facebook vu de l’intérieur 

    Dans un livre qui fait sensation, un ancien cadre dévoile les coulisses du géant du Web. Un grand déballage qui égratigne encore un peu plus l’image de la tech aux Etats-Unis.

    « Chaos Monkey » dépeint un univers dont les seigneurs se battent à coups de millions, de bluffs et de trahisons.

    C’est le livre du moment dans la Silicon Valley. Et pour une fois ce n’est ni un récit merveillé des coups de géniedes fondateurs-milliardaires ni un essai sur le changement de civilisation qui nous attend lorsque l’intelligence artificielle aura pris le pouvoir. Antonio García Martínez a écrit l’un des rares comptes rendus, vu de l’intérieur, du monde des géants de la tech. Son livre prétend être à la Silicon Valley ce que les fictions de Michael Lewis sont à Wall Street. La peinture d’un univers dont les seigneurs se battent à coups de millions, de bluffs et de trahisons.

    Diplômé de physique, le jeune ingénieur a fait ses classes chez Goldman Sachs, jusqu’à la crise de 2008. De New York, il est passé à San Francisco, où il a fondé Adgrock, une start-up de publicité numérique revendue à Twitter en 2011.

    « Ils se baladent, “débranchent” les taxis et disent : regardez, tout le monde peut être chauffeur maintenant, grâce à Uber. » Antonio García Martinez

    Embauché par Facebook, il a été pendant deux ans product manager, responsable du ciblage des publicités, à un moment où la firme préparait son introduction en Bourse. Sur son parcours, il a croisé pas mal de « sociopathes » : des gens au charme superficiel, qui aiment les conduites à risque et considèrent les autres « comme des objets ». Ayant été licencié par Facebook, il ne cache pas qu’il est assez mauvais coucheur lui aussi : sexiste, arrogant et revanchard.

    Le titre du livre – Chaos Monkeys : Obscene Fortune and Random Failure in Silicon Valley – est une référence à Chaos Monkey, l’outil développé par Netflix pour tester les erreurs dans ses systèmes. Pour l’ex-ingénieur, les « singes du chaos » sont ceux qui travaillent au nouvel avenir radieux numérique sans se soucier des conséquences pour ceux qui opèrent encore dans le monde ancien. « Ils se baladent, “débranchent” les taxis et disent : regardez, tout le monde peut être ­chauffeur maintenant, grâce à Uber, explique-t-il. Face aux singes du chaos, la question est : quelle est la robustesse de notre société ? »

    Paranoïa dans la Vallée

    Antonio García Martínez voulait faire œuvre documentaire et a pris des notes. Il introduit le lecteur dans la salle de réunion, baptisée « Only good news » (« Que des bonnes nouvelles ») de la numéro 2 de Facebook, Sheryl Sandberg. Il raconte l’Aquarium, le bureau aux grandes baies vitrées où Mark Zuckerberg, le « Grand Timonier », « tient sa cour » en toute transparence ; les mots d’ordre conçus par un laboratoire spécial – le « ministère de la propagande de ­Facebook » –, placardés sur les murs au milieu des portraits stylisés de « Zuck » : « Proceed and be bold » (« Avancez hardiment ») ou le dramatique : « Carthago delenda est » (« Il faut détruire Carthage ») quand Google-Carthage a lancé son propre réseau socialGoogle +.

    Antonio Garcia Martínez, diplômé de physique, a d’abord créé sa propre start-up avant d’intégrer Facebook pour deux ans.

    Les nouveaux employés reçoivent un « Petit Livre rouge », qui donne une idée de la paranoïa dans la Vallée : « Si nous ne créons pas ce qui tue Facebook, quelqu’un le fera. » Derrière le jargon, Antonio débusque l’hypocrisie d’un milieu sur lequel les investigations sont rares. « Les gens ont trop à perdre, dit-il. Ils auraient trop peur de rater la possibilité d’être le prochain employé numéro 70 dans le prochain Pinterest. » Depuis la série de HBO Silicon Valley, on connaissait les dessous des start-up, et la vie des techies sur les montagnes russes du succès. Chaos Monkeys est un nouveau ­révélateur de la dégradation de l’image de la tech aux Etats-Unis.

    Lire aussi (abonnés) Economie collaborative : la fin de l’utopie ?

     
  • admin9596 9:15 am le September 14, 2016 Permaliens  

    Tabboo !, figure libre du New York des années 1980 

    Le plasticien américain Stephen Tashjian devient, dans les années 1980, le drag-queen Tabboo !, figure de la nuit du milieu underground. Il rencontre le jeune Marc Jacobs, qui, trente ans plus tard, lui confie la création de motifs pour sa dernière collection.

    Taboo ! en 1991.

    Un mystère plane sur les années 1980 à New York.A force de livres, de rétrospectives, de films et d’expositions, on pourrait penser tout connaître de la folie de cette époque, maîtriser les anecdotes et les biographies de chacun. Et pourtant surgit parfois une figure qui était au cœur de cette mouvance, mais dont la notoriété est restée cantonnée à l’underground. C’est le cas de Stephen Tashjian. Auteur de photographies, de peintures, de portraits et de collages, il était aussi une personnalité de la ville. Son aura locale, cet artiste la doit d’abord à Tabboo !, son identité de drag-queen.

    Une autre vie que la sienne

    Né en 1959 dans une petite ville du Massachusetts, il rêvait d’une « autre vie que celle, bien rangée, de la Nouvelle-Angleterre», se souvient-il au téléphone depuis son studio du quartier new-yorkais d’Alphabet City. Enfant, il est marionnettiste et remporte un petit succès dans les bars de la région avec son théâtre itinérant et ses poupées de papier mâché. Il part étudier à Boston où il se fait des copains peu communs : les futures stars de l’art Nan Goldin et Jack Pierson. Il débarque ensuite à New York, s’installe dans l’East Village, dans le vacarme des punks, des voyous, des dealers, des clochards et des artistes. C’est alors qu’il devient Tabboo !, figure de la nuit.

    Au début des années 1980, la jet-set s’encanaille encore au Studio 54, mais une faune toujours plus délurée accourt au Pyramid Club, dans l’East Village. Tabboo ! est sur la scène, sur la piste de danse… et à la porte, où il fait office de physionomiste. Un jeune homme, étudiant en mode à la Parsons School of Design, est de cette bande-là : Marc Jacobs.

    « C’était génial ! Marc m’a dit : “Fais ce que tu veux, tu es libre.” C’est amusant de jouer avec les règles de quelqu’un d’autre. » Tabboo !

    Le garçon malingre aux cheveux longs devenu un (très musclé et très célèbre) créateur de mode n’a jamais oublié ses premières années fêtardes et underground. Par e-mail, il confie : « Le monde de la nuit n’était pas discriminant, c’était une performance permanente. Les années 1980 continuent de nous inspirer aujourd’hui parce que tout s’expérimentait alors. L’art, la musique, la mode, tout venait de la rue. »

    Stephen Tashjian est toujours artiste – « Bien sûr ! C’est comme si on demandait à quelqu’un : “Vous êtes toujours gaucher ?” » –, toujours drag-queen, même si ses sorties apprêtées sont plus rares et qu’il s’amuse gentiment de la célébrité de celui dont il était le modèle, RuPaul, véritable star de la télévision américaine.

    Stephen Tashjian, plasticien et figure de la nuit sou le nom de Tabboo ! dans le New York des années 1980, ressort ses cartons pour « M ». Ici, « J. Foley » , photo extraite du film « Beauty & the Beast », 1984.
    « Brandon », 2016.
    « Black & White Graphics », vers 1985.
    « Agosto », 2016.
    « Dolphins are Homosexual », 1980.
    « Rupert », 2016.
    « Pyramid Flyer », vers 1985.
    « Moustache », 1990.
    « NYC Sunset », 1993.
    « Arthur », 1991.
    « Domino Sugar Factory », 1992.
    « In Drag with Polka Dot Cape and Gold Eye Make-up », 1988.
    « Melancholy Monkey with Bird », 1986.
    « Mark Morrisroe », 1985.
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    Stephen Tashjian, plasticien et figure de la nuit sou le nom de Tabboo ! dans le New York des années 1980, ressort ses cartons pour « M ». Ici, « J. Foley » , photo extraite du film « Beauty & the Beast », 1984.

    Stephen Tashjian

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    Récemment, Jacobs a invité Tabboo ! à dessiner des motifs pour sa collection automne-hiver 2016-2017. Le résultat est un ensemble de souris, de corbeaux ou de chats, reproduits sur des accessoires ou des tenues. « C’était génial ! Marc m’a dit : “Fais ce que tu veux, tu es libre.” C’est amusant de jouer avec les règles de quelqu’un d’autre. Et puis, travailler dans la mode, waouh ! C’était la première fois, mais en un sens, j’étais prêt. Je n’aurai pas passé toutes ces heures devant mon miroir à imiter des mannequins, Twiggy ou Peggy Moffitt, pour rien. »

    Vers 1982-1983, Stephen Tashjian avec ses amis rencontrés lors de ses études d’art à Boston : la marchande d’art Pat Hearn, le plasticien Thierry Cheverney et l’artiste et photographe Jack Pierson.

    Tout le charme du travail de Tabboo ! tient à sa délicatesse et à son humour. Il peint les couchers de soleil sur New York, fait des caricatures et réalise des portraits. « Uniquement des gens que j’aime. Je serais incapable de peindre quelqu’un que je n’aime pas. A une époque, tous mes amis sont morts, du sida ou d’overdose. » Et il ajoute, avec une fausse légèreté : « Je me suis trouvé d’autres amis, et je les ai peints. Je n’allais pas m’arrêter comme ça ! Et, même si la ville a tellement changé, New York est toujours ce lieu empli d’individus qui ne veulent pas être comme tout le monde, qui sont beaux parce qu’ils sont différents. » Il le prouve en images.

    Lire aussi Marc Jacobs : « Mettre en scène les défilés me rend heureux »

     
  • admin9596 2:58 am le September 13, 2016 Permaliens  

    Papi Jiang, nouvelle star du Web chinois 

    En quelques vidéos humoristiques, Jiang Yilei, de son vrai nom, est devenue une célébrité en Chine. Au point d’attirer l’attention des annonceurs… et des autorités.

    Censurée pour « contenu obscène », Papi Jiang a juré de ne plus jurer dans ses sketchs.

    En à peine six mois, Jiang Yilei est sortie de l’anonymat grâce à des vidéos diffusées ­sur Internet et à son humour décapant. Diplômée de l’Ecole centrale d’art dramatique de Pékin, cette jeune Shanghaïenne de 29 ans renouvelle le monologue comique. Jusque-là, c’était un territoire plutôt réservé aux hommes, avec des ­histoires mettant en scène le monde paysan traditionnel et des calembours permis par les homophonies de la langue chinoise. « Boring » (« emmerdant »), dirait celle qui est connue désormais sous son nom de scène : Papi Jiang. Elle parle du monde d’aujourd’hui, de la Chine des villes ­transformée par le développement économique, où les jeunes de la classe moyenne rêvent de mariage en grande pompe et d’enrichissement rapide sous la pression de parents stressés.

    Jamais de sujets politiques

    Un monde qu’elle connaît bien, puisqu’elle appartient à la génération des balinghou, celle qui a grandi après les années 1980 dans une Chine en plein essor. C’est dans cette tranche d’âge qu’elle choisit ses cibles, en particulier les jeunes urbaines avides de succès, d’argent et de sacs Louis Vuitton. Le sketch qui l’a lancée, fin décembre 2015, brocardait les snobs qui mélangent le dialecte shanghaïen et l’anglais. Depuis, une soixantaine de ses prestations ont été visibles sur le Web : elles portent toujours sur la vie quotidienne, Papi Jiang prenant soin d’éviter la politique, un sujet tabou si l’on veut s’épargner les ennuis.

    Le rythme est rapide, la voix déformée, les mots sont crus. Ce qui lui a d’ailleurs valu un rappel à l’ordre brutal des autorités en avril. Elle a alors disparu des écrans, suscitant l’émoi de ses fans. L’administration d’Etat pour la radio, le cinéma et la télévision (SARFT), qui n’avait guère apprécié ses jurons, l’a enjoint d’enlever « le contenu obscène et vulgaire » de son programme. Papi Jiang a obtempéré, s’engageant à ne plus franchir la ligne jaune. Et elle est revenue.

    Nouvelle logique commerciale

    L’enjeu est important, car en mars, des investisseurs ont mis 12 millions de yuans (1,6 million d’euros environ) dans la société qu’elle a fondée pour lancer son programme de vidéo. Une première pour une célébrité du Web, une wanghong, comme on les appelle en chinois. Un mot formé des caractères signifiant « toile » et « rouge », la couleur désignant le succès en mandarin. Papi Jiang saura-t-elle durer, alors que tant de wanghongs disparaissent après une saison ? Qui se souvient aujourd’hui de Qian Zhijun, surnommé « Petit gros », né, comme la Shanghaïenne, en 1987, célèbre en 2003, mais vite retombé dans l’anonymat ?

    Pour l’un des investisseurs, Luo Zhenyu, ­interviewé par le site The Paper, Papi Jiang a la capacité de s’installer : « Nous recherchons quelqu’un qui a le potentiel illimité de transformer ce marché et d’apporter une logique commerciale totalement différente. » Les annonceurs semblent y croire. En avril, Lili, un site ­d’e-commerce spécialisé dans le maquillage, a versé, lors d’une vente aux enchères, 22 millions de yuans (environ 3 millions d’euros) pour ­diffuser un spot publicitaire dans une ­de ses vidéos. L’humoriste termine systéma­tiquement ses sketchs avec cette phrase : « Je suis Papi Jiang, une femme qui ­rassemble à la fois la beauté et le talent. » Elle pourrait désormais rajouter « et la richesse ».

     
  • admin9596 7:43 pm le September 11, 2016 Permaliens  

    Au Liban, la religion sur la peau 

    Figures de l’islam, symboles ou slogans… Depuis une dizaine d’années, les jeunes chiites libanais ont trouvé une nouvelle manière d’exprimer leur foi : le tatouage. Une tendance qui s’accentue depuis le début de la guerre en Syrie.

    Ali Farhat, un chiite de 32 ans, porte sur le thorax la ­formule « Ô Hussein », hommage « à la souffrance » du petit-fils du prophète.

    Le visage de l’imam Hussein est gravé sur sa poitrine, juste au-dessus du cœur. Hussein Mansour s’est fait tatouer « par dévotion » le portrait du petit-fils du prophète Mahomet, figure révérée par les fidèles de confession chiite, branche minoritaire de l’islam.

    Sur le dos, ce Libanais de 21 ans porte un autre tatouage religieux et un troisième suivra bientôt. « C’est un choix personnel, une manière d’exprimer ma foi », explique le jeune homme, dont la jambe droite est décorée d’un portrait de l’actrice américaine Jennifer Lawrence.

    De confession chiite, Hussein Mansour s’est fait tatouer « par dévotion » le visage du petit-fils du prophète Mahomet.

    Depuis une dizaine d’années, « le tatouage religieux est à la mode chez les chiites : ­slogans, images, symboles, comme l’épée d’Ali… Ce qu’on me demande le plus actuellement, c’est le chiffre 313 [le nombre des compagnons d’armes du Mahdi, l’imam caché dont les chiites ­ attendent le retour]. Mais les chrétiens aussi se font tatouer des signes religieux : une croix, ou le visage du Christ », affirme Khalil Abdallah, l’un des maîtres tatoueurs du salon Al-Hindi.

    « Une forme de protection »

    Ce lieu renommé est situé à Chiyah, une ­banlieue à majorité chiite, aux portes de Beyrouth. Interdit chez les sunnites, le tatouage est autorisé par certains clercs et sous certaines conditions chez les chiites. Posés sur la table de la petite pièce où ce colosse accueille ses clients, des catalogues proposent des modèles de dessins et de calligraphies à caractère confessionnel.

    Le salon de tatouage Al-Hindi, dans la banlieue de Beyrouth, propose un large éventail de modèles religieux.

    Ali, un jeune tatoueur qui a lui aussi un atelier, souligne que « le tatouage religieux a connu un véritable essor chez les chiites avec la guerre en Syrie », à laquelle prennent part des milliers de combattants libanais du ­Hezbollah, pilier militaire du régime du président syrien Bachar Al-Assad.

    Il se rappelle avoir appris à la télévision – la chaîne du Hezbollah diffuse les portraits des miliciens tués – la disparition en Syrie d’un client : « Il avait souhaité un tatouage en l’honneur de Sayyida Zeinab [la sœur de l’imam Hussein]. Il est mort en défendant son mausolée », situé dans la banlieue de Damas. « La guerre en Syrie et les divisions au Liban réveillent chez certains le désir de marquer leur appartenance communautaire », analyse de son côté Khalil Abdallah.

    « Je veux dire à tout le monde que je suis chiite : par un tatouage ou, s’il le faut, en portant les armes. » Ali, 32 ans

    Pour les jeunes qui partent en Syrie avec le Hezbollah, chez qui le tatouage fait fureur, c’est à la fois « une forme de protection et une marque de leur attachement religieux ».

    Mais les combattants ne constituent qu’un fragment de ceux qui portent un tatouage religieux. Ainsi, il y a quatre ans, Ali Farhat, un commercial de 32 ans, a fait inscrire sur son thorax, en arabe, la ­formule « ô Hussein », en ­hommage « à la souffrance » du petit-fils du prophète. Son martyre, durant la bataille de Kerbala (en 680), événement au centre de la piété chiite, est commémoré chaque année par les fidèles, du Pakistan au Liban, lors des cérémonies de l’Achoura.

    « Tatouages identitaires »

    « Hussein est le symbole de la longue oppression subie par les chiites, qui se poursuit dans plusieurs pays, comme Bahreïn, affirme Ali Farhat. La guerre entre sunnites et chiites bat son plein au Proche-Orient. Je veux dire à tout le monde que je suis chiite : par un tatouage ou, s’il le faut, en portant les armes. »

    Lire aussi : Quelles sont les différences entre sunnites et chiites

    La communauté est aujourd’hui influente au Liban, alors que le Hezbollah, parti armé et principale force politique chez les chiites, est l’acteur le plus puissant dans le pays. « Cette position de force n’empêche pas que les chiites se sentent menacés. Nous sommes une petite minorité dans le monde [les chiites forment entre 10 % et 15 % des musulmans, dont l’écrasante majorité est sunnite] », poursuit le jeune homme, qui porte aussi sur son dos un immense tatouage représentant le visage du Christ, « un prophète, dans l’islam ».

    D’autres chiites se font graver le portrait de leaders politiques. Ali Farhat n’y pense pas : « La politique, ça va et ça vient. La religion est éternelle. »

    Il n’est pas rare que le visage du Christ, un prophète dans l’islam, côtoie, sur le corps des chiites libanais, une inscription à la gloire d’une figure vénérée par les musulmans.

    Prisés, les tatouages identitaires ne représentent toutefois qu’une petite partie du travail des tatoueurs, dont les ateliers ont essaimé dans les banlieues chiites de Beyrouth : lors de notre visite, une femme fait inscrire le prénom de ses enfants, un jeune homme montre des éléments graphiques sur ses bras.

    La mode des signes religieux ne fait pas, du reste, l’unanimité au sein de la communauté. Ali, le jeune tatoueur, considère que dans un Liban « au passé de guerre et au présent fait de tensions confessionnelles, vouloirafficher son identité par des tatouages est une erreur. Cela trace des frontières ». « Est-ce que cela aggrave le confessionnalisme ?, s’interroge son confrère Khalil Abdallah. Qu’on le veuille ou non, celui-ci est présent chez les jeunes Libanais. »

     
  • admin9596 11:05 am le September 9, 2016 Permaliens  

    A Barcelone, l’overtourisme 

    Le photographe Ricardo Cases a sillonné la ville catalane, ses rues, ses plages, ses bars, envahis de hordes de touristes.

     
  • admin9596 1:32 pm le September 7, 2016 Permaliens  

    Bure, Sivens, le Larzac… mêmes combats 

    La fronde se durcit à Bure, dans la Meuse, entre l’Etat et les opposants à un site d’enfouissement de déchets nucléaires. Une lutte qui rappelle d’autres mobilisations.

    2016 : Bure refuse les résidus radioactifs

    Un militant antinucléaire proteste contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaire à Bure, le 24 septembre 2015.

    Le 1er août, la justice a donné raison aux détracteurs du projet de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) à Bure, dans la Meuse. L’agence devra attendre une autorisation de la préfecture pour reprendre les travaux de son centre souterrain, lancé en 2007. Près de 100 000 ans de déchets radioactifs pourraient y être stockés, à 500 m sous terre, d’ici à 2030.

    Lire aussi : Tirs croisés d’actions juridiques autour du stockage radioactif de Bure

    2008 : Notre-Dame-des-Landes résiste à l’aéroport

    Les opposants au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes se sont rassemblés le 10 juillet 2016.

    Même si, en juin 2016, les électeurs se sont prononcés en faveur du transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes, agriculteurs, riverains et écologistes ne sont pas près de quitter leur ZAD (zone à défendre). Hors de question pour ceux qui se battent depuis 2008 de laisseraboutir le projet d’aéroport du Grand-Ouest. Relancé en 2000 par le maire de Nantes Jean-Marc Ayrault, ce projet devrait détruire plus de 1 600 hectares de zone naturelle.

    2014 : Sivens fait barrage au barrage

    Lors de l’évacuation des zadistes à Sivens, le 6 mars 2015.

    Il aura fallu la mort du jeune Rémi Fraisse, lors d’une confrontation entre zadistes et forces de l’ordre en 2014, pour que la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, mette fin au projet de grand barrage à Sivens, dans le Tarn. Le rapport d’expertise a depuis confirmé la menace écologique qu’il présentait sous sa forme initiale. La construction d’un barrage réduit est toujours en discussion mais la déclaration d’« utilité publique » vient d’être annulée par la justice.

    Lire aussi : A Sivens, la justice donne tardivement raison aux opposants au barrage

    1978 : Plogoff combat la centrale nucléaire

    Plusieurs dizaines de milliers de personnes participent à une manifestation anti-nucléaire, organisée par le comité de lutte contre la centrale de Plogoff, le 25 mai 1980.

    En 1975, le conseil régional de Bretagne accepte le principe de construction d’une centrale nucléaire à Plogoff, dans le Finistère. En 1978, lors des premiers sondages sur le site, les habitants se mobilisent. François Mitterrand tranchera en 1981 en faveur de l’abandon du projet. C’est la première fois que les habitants d’une commune réussissent à faire plier un projet d’aménagement « d’intérêt général », porté par l’Etat.

    1971 : le Larzac se mutine contre le camp militaire

    De 50 000 à 100 000 personnes étaient rassemblées en souvenir des luttes du Larzac, en 2003.

    En 1971, Michel Debré, alors ministre de la défense de Georges Pompidou, est loin d’imaginer que sa décision d’étendre un camp militaire sur le plateau du Larzac, dans le Massif central, va provoquer une levée de boucliers chez les paysans, vite rejoints par des militants de tous bords. Ce n’est que dix ans plus tard que François Mitterrand, nouvellement élu président, abandonne le projet.

    Lire aussi :Le Larzac, une histoire, un film et le mythe de José Bové

     
  • admin9596 9:33 am le September 6, 2016 Permaliens  

    Joann Sfar : « On confond le rot et la pensée » 

    Chaque semaine, une personnalité répond à un questionnaire de Proust revisité par « L’Epoque ». Le père du « Chat du rabbin » s’est prêté à l’exercice.

    Joann Sfar, à Paris, le 20 mai 2016.

    Romancier, auteur de BD, conteur, Joann Sfar est un véritable homme-orchestre de cette rentrée. A 45 ans, le Niçois, auteur du Chat du rabbin (Dargaud) et réalisateur de Gainsbourg, vie héroïque (2010), publie Comment tu parles de ton père (Albin Michel, 160 pages, 15 euros), l’un des dix livres sélectionnés pour le Prix littéraire du Monde, dans lequel l’auteur plonge dans les méandres de la filiation.

    Il retrace aussi six mois d’une psychanalyse dans un carnet à paraître le 3 octobre, Si j’étais une femme je m’épouserais (Marabout). Et l’Espace Dali, à Paris, lui a donné carte blanche pour imaginer le scénario d’une rencontre artistique avec le peintre catalan, dans une exposition intitulée « Une seconde avant l’éveil », à voir du 9 septembre au 31 mars 2017. L’occasion, pour Sfar, de publier un album sur Dali, Fin de la parenthèse, à paraître le 14 septembre (Rue de Sèvres, 112 pages, 20 euros).

    Quelle époque auriez-vous aimé connaître ?

    Le Montparnasse des années 1920. Peut-être que c’est un fantasme, mais j’ai l’impression que les idées et les corps étaient moins contraints qu’aujourd’hui.

    Une image de notre époque ?

    Quelque chose à gerber, je cherche… Si : ces espèces de débats où personne ne change d’avis et où les deux camps en présence me dégoûtent.

    Un son ?

    Les alertes électroniques. Celle du four, celles de diverses applis de portable, celle de l’alarme de la maison. Le retour aux sensations auditives se fait dans la pauvreté du MP3 et la multiplication des sonnettes pavloviennes.

    Une expression agaçante ?

    « Y a pas de souci. » C’est la seule phrase que les chauffeurs Uber articulent correctement. Quoi qu’on dise à un chauffeur, il répond : « Y a pas de souci. » Cette expression a-t-elle aussi cours dans d’autres corporations ? J’ai l’impression que, si Dieu entend cette phrase une fois de trop, il va détruirele monde.

    Un personnage ?

    Le troll numérique. Un être sans ­estomac, sans vrai nom, qui avance sous pseudonyme et se déteste lui-même. Et se réjouit des vagues malsaines qu’il fabrique. Finalement, la parole publique a de plus en plus cette fonction-là : faire du bruit sans soutenir la moindre idée.

    Un livre ?

    Le Livre sans nom [Sonatine, 2010] est une bonne nouvelle de notre époque. C’est vraiment nouveau. C’est un mélange de western, de kung-fu et de serial killer avec des vampires. Pardon. On trouve ses œuvres importantes où l’on peut.

    Un slogan ?

    Les slogans sont devenus trop longs pour nos cerveaux trop sollicités. Dorénavant, un mot suffit pour dire l’ambiance nauséabonde. « Mook » : un mélange de magazine et de livre, j’ai détesté ça dès la seconde où l’on m’a dit que ça existait. « Burkini » : j’ai détesté de tout mon cœur et les gens qui sont pour et les gens qui sont contre, je suis très triste de vivre à l’époque du burkini, je souhaite traverser l’existence sans avoir à débattre du burkini. « Radicalisation » : dès qu’on invente un mot, il ne veut plus rien dire. On vit le vide.

    Un bienfait de notre époque ?

    Le dessin se porte bien en France. Il n’y a jamais eu autant de dessinateurs dans ce pays, les ventes d’aquarelles, de carnets et d’encres sont exponentielles ! Notre jeunesse a des choses à dire ! Ça me plaît.

    Le mal de l’époque ?

    Chacun a la parole. Même sans savoirarticuler une phrase. Même sans maîtriser ni l’orthographe ni les idées. Nous vivons le monde du borborygme de comptoir répercuté par l’écran. On confond le rot et la pensée. Nous sommes devenus des orques de Tolkien.

    C’était mieux avant ?

    Non. Non, tiens, c’est la vraie raison pour laquelle je ne suis finalement pas réactionnaire. Pour de vrai, je ne crois pas réellement que c’était mieux avant.

    Ce sera mieux demain ?

    Oui, c’est une posture nécessaire. On meurt instantanément si on refuse d’affirmer qu’il faut inventer l’avenir. Une amie m’a dit : bien entendu que ça va aller mieux. Ça va prendre cent ans, mais, dans cent ans, ça ira mieux.

    Lire aussi : Pierre Hermé : « J’aimerais rencontrer le pape »

     
  • admin9596 10:41 pm le September 5, 2016 Permaliens  

    Cassius, les oiseaux rares de l’électro française 

    Comme Air et Daft Punk, le duo parisien incarne l’excellence de l’électro hexagonale. « Ibifornia » témoigne de leur éclectisme.

    Le duo Cassius en juillet à Ibiza : Philippe Cerboneschi et Hubert Blanc-Francard, alias « Zdar » et « Boom Bass ».

    A priori, rien d’étonnantà croiser en été deux figures de l’électro made in France à Ibiza. Paradis des fêtards et du clubbing de masse, l’île des Baléares concentre, de juin à septembre, l’élite des DJ’s payés à prix d’or pour affoler les dancefloors géants des mythiques Pacha, Ushuaïa, DC-10, Privilege, Amnesia et autres.

    C’est pourtant loin de ces orgies hédonistes que Philippe « Zdar » Cerboneschi et Hubert « Boom Bass » Blanc-Francard, les deux moitiés du duo Cassius, communient, comme chaque année, avec cette « île fantastique ». Leur très attendu quatrième album (le premier depuis dix ans), le luxuriant Ibifornia – baptisé en hommage croisé à Ibiza et à la Californie –, a beau sortir le 26 août, l’humeur est plus au farniente contemplatif qu’à l’effervescence studieuse.

    Un mode de vie spartiate

    C’est au bout d’un long et cahoteux chemin de terre rouge qu’on retrouve les deux garçons, entourés de leurs familles, dans la finca (la maison traditionnelle ibizienne) blanchie à la chaux qu’Hubert a louée pour un mois au milieu des collines, dans le nord de l’île.

    A mille lieues des luxueuses villas avec piscine habitées par les stars de la dance music aux alentours d’Eivissa ou de San Antonio, ce cube blanc entouré de bois et de maquis propose un mode de vie spartiate, avec eau chaude et électricité limitées, plus propice à la méditation qu’à la débauche.

    « Avec mon frère Mathieu (le chanteur Sinclair), les instruments de musique et les

    nouveautés technologiques étaient nos jouets et nos amis. » Hubert « Boom Bass » Blanc-Francard

    Menacé par l’hégémonie de l’industrie du plaisir, Ibiza doit son salut à ces coins secrets. Plus que celle de la génération EDM (electronic dance music) se bousculant aux soirées F… Me I’m Famous de leur copain David Guetta, l’expérience baléarique de Boom Bass et de Zdar évoque celle de la bohème artistique des années 1930 ou de la jeunesse hippie des années 1960, venues se ressourcer dans l’isolement rustique de ce refuge méditerranéen. « Pas besoin, finalement, d’amplifier artificiellement les sensations pour ressentir qu’ici la terre dégage des vibrations très particulières et apaisantes », affirme Hubert qui, avec son crâne lisse, a de faux airs de moine zen.

    Les deux Cassius ont quand même goûté aux facettes plus ecstasiées de la culture locale. Débarqués à Ibiza une première fois dans la seconde moitié des années 1990, ceux qui faisaient alors partie des ambassadeurs — avec Daft Punk, le groupe Air ou Laurent Garnier — d’une French Touch en plein boom ont connu l’excitation des délires collectifs. « Je me souviens avoir joué au Space, pieds nus derrière les platines, complètement en transe », s’amuse aujourd’hui Philippe. « Je ne me rappelle plus ce que j’avais pris, mais la première fois que je suis allé au DC-10 je suis resté six heures accroché au bar, halluciné par ce qui se passait », renchérit Hubert. « Un jour, un copain nous a proposé de rester pour découvrir l’île, explique Philippe. Elle est depuis devenue l’endroit où je me sens le plus heureux. »

    Une dose de pop-rock dans leur électro

    Si Cassius continue de se produire en DJ set à travers le monde – « la meilleure façon de nous tenir au courant de tous les nouveaux sons » –, le duo de presque quinquas s’est petit à petit forgé un répertoire l’éloignant des seuls plaisirs de la dance. Après un premier album de house filtrée, caractéristique des années French Touch (1999, publié en… 1999, en référence aussi à un célèbre morceau de leur idole, Prince), et l’échec commercial d’un deuxième disque satiné (Au rêve, 2002), les DJ’s-réalisateurs-auteurs-compositeurs insufflent une dose de pop-rock à leur électro (le revigorant 15 Again, en 2006). En 2010, un tube international surprise, l’hypnotique I (et son étonnante application iPhone) sort Cassius

    de son hibernation, avant que Boom Bass et Zdar mettent à nouveau six ans pour assembler l’arc-en-ciel pop-house-soul-hip-hop-électro d’Ibifornia.

    S’il aurait pu être fatal à un groupe conventionnel, ce rythme de création distendu dit autant de la complicité que de l’indépendance de ces deux bêtes de studio, amis depuis près de trente ans. Fils de Dominique Blanc-Francard, l’un des plus célèbres réalisateurs artistiques français, Hubert baigne depuis son enfance dans le milieu de la production. « Avec mon frère Mathieu [devenu chanteur sous le nom de Sinclair — NDLR], les instruments de musique et les

    nouveautés technologiques étaient nos jouets et nos amis. »

    Fils d’hôteliers d’Aix-les-Bains (Savoie), Philippe a, lui, d’abord été chanteur dans un groupe punk et batteur de speed metal, avant de tomber un jour en arrêt devant une photo d’Eurythmics enregistrant dans le studio du Palais des congrès. « J’ai plaqué mon boulot de serveur pour retrouver cette magie-là », se souvient-il. Avec un bagou qui reste sa marque de fabrique, Philippe pénètre le monde de la production. « Un matin, j’arrive au Studio Marcadet. Ils avaient déjà un assistant. L’ingénieur du son lui demande s’il sait rouler les joints. Il ne savait pas. Moi oui. Le soir, il m’a proposé de rester. »

    « Le hip-hop nous a permis de mettre un pied dans la création, mais c’est la techno qui a fait de nous des vrais acteurs de la musique. » Philippe Philippe « Zdar » Cerboneschi

    Dans les années 1980, le garçon apprend son métier à l’ancienne, côtoie Serge Gainsbourg, Etienne Daho, Vanessa Paradis aux côtés de réalisateurs artistiques vedettes, parmi lesquels Dominique Blanc-Francard. « Un jour, mon père me dit : “Tu devrais rencontrer mon assistant, il est complètement allumé”, se souvient Hubert. On est tout de suite devenus potes. » Ensemble, ils bricolent la bande-son d’une chanson d’un jeune rappeur, MC Solaar. Le morceau, Bouge de là, deviendra le premier tube du hip-hop français. Philippe et Hubert concoctent (avec Jimmy Jay) les instrumentaux des premiers albums de Solaar, mais aussi des morceaux futuristes publiés sous le nom de La Funk Mob.

    « Le hip-hop nous a permis de mettre un pied dans la création, mais c’est la techno qui a fait de nous des vrais acteurs de la musique », analyse Philippe qui, avec Etienne de Crécy, a publié,

    en 1996, sous le nom de Motorbass, l’album Pansoul, œuvre pionnière de la house française.

    Parallèlement à Cassius, Philippe, propriétaire d’un studio d’enregistrement à Montmartre, mène, depuis les années 2000, une carrière de réalisateur artistique. Après avoir été récompensé en 2009 d’un Grammy Award, en tant que mixeur et producteur de Wolfgang Amadeus Phoenix, le quatrième album à succès des Versaillais de Phoenix, la multiplication des demandes (The Rapture, Beastie Boys, Cat Power…) a inévitablement ralenti les projets de Cassius. Sans que son complice en ressente amertume ou jalousie. « J’étais tellement heureux de le voir réaliser son rêve, assure Hubert. Et ses nouvelles collaborations ont permis de constituer une petite famille artistique dont nous avons profité. »

    Cat Power et Pharrell Williams en guest stars

    De fait, Ibifornia fourmille d’invités de luxe participant à la diversité de l’album : Mike D des Beastie Boys, Pharrell Williams, Ryan Tedder du groupe pop-rock OneRepublic ou l’impressionnante Cat Power, excellant dans le groove festif (Action) comme dans la soul à vif (Feel Like Me). Le brillant syncrétisme d’Ibifornia rappelle les grandes heures du studio Compass Point, quand des pointures de tout style se réunissaient à Nassau pour enregistrer les albums des Talking Heads ou de Grace Jones.

    Le duo opère sur la scène internationale. S’ils sont produits en France par le label Ed Banger, ils sont signés pour le reste du monde par Interscope, filiale d’Universal au catalogue pléthorique de stars (Lady Gaga, Dr. Dre, Madonna…). A eux de porter des clips innovants (la vidéo interactive de The Missing), au budget imposant (300 000 euros),

    et une obligation de réussite ne cadrant pas forcément avec leur philosophie. Mais Ibiza est un refuge, loin de toute pression. Attablé dans une paillotte abritant l’un des meilleurs restaurants de poissons de l’île, au fond d’une crique, Philippe s’amuse d’ailleurs à citer une phrase qu’il attribue à Henry Miller : « J’utilise mon talent pour écrire, j’utilise mon génie pour vivre. »

    Ibifornia, de Cassius, 1 CD Ed Banger/Because.

    En concert : le 28 août au festival Rock en Seine : http://www.rockenseine.com

    Informations : cassiusthemissing.com

     
  • admin9596 3:33 pm le September 3, 2016 Permaliens  

    Dans le Nord, un food truck pour réchauffer le cœur des migrants 

    Convaincues que la cuisine est un moteur d’insertion, dix jeunes femmes ont garé leur camion-restaurant au camp de La Linière à Grande-Synthe. Au menu, des repas servis aux réfugiés et des cours de cuisine.

    Les cuisinières du projet solidaire Le Recho prévoient de rester à La Linière jusqu’en septembre.

    Si dans la « jungle » de Calais les échoppes illicites sont la cible de batailles judiciaires à répétition, le camp de La Linière à Grande-Synthe, dans le Nord, compte lui plusieurs structures de restauration bénévoles solides. Et cette semaine, avec le soutien des associations déjà sur place, c’est un camion restaurant – le premier aux normes humanitaires – qui vient de débouler, avec à son volant et ses fourneaux dix jeunes femmes radieuses et survoltées.

    « Nous voulons ramener un peu de plaisir là où il n’est plus question que de survie. » Vanessa Krycève, initiatrice du projet

    Le Recho (acronyme de « Refuge, Chaleur, Optimisme ») est une initiative solidaire qui, à l’heure de la crise migratoire, met du baume au cœur. Composée de cuisinières mais aussi de comédiennes et de communicantes passionnées de gastronomie, l’énergique petite clique a imaginé ce food truck pour « nourrir, créer du lien et favoriser l’insertion des réfugiés à travers des repas et des ateliers de cuisine ». « Nous voulons ramener un peu de plaisir là où il n’est plus question que de survie, explique Vanessa Krycève, l’initiatrice de ce projet novateur qui a vu le jour au printemps. La cuisine est un vecteur de lien social fort, tourné vers la vie et la communauté. C’est aussi un moteur d’insertion, puisque la restauration en France représente plus de 200 000 emplois, dont 34 000 à pourvoir en cuisine : autant de chances pour ces réfugiés de se construire un avenir ici. »

    Nourrir, rassembler, former, leur ambition est vaste. La fine escouade envisage, dans les mois à venir, de circuler de la France à la Grèce, en passant par des camps en Belgique ou en Allemagne, en utilisant la popote comme outil et langue universelle. Après avoir réussi leur campagne de financement participatif (32 500 euros levés sur KissKissBankBank en juin et juillet), les voilà lancées.

    « Ces filles m’ont ému par leur courage et leur sincérité, commente le chef Akrame Benallal qui a souhaité s’associer à cette entreprise. Elles n’ont aucun agenda politique ou commercial, elles font juste ça pour faire du bien. Et la cuisine, c’est l’un des meilleurs moyens pour oublier ses soucis, échanger des émotions, partager du bonheur. »

    100 à 200 déjeuners par jour

    Jusqu’à début septembre, le Recho fera donc la tambouille à La Linière, à raison de 100 à 200 déjeuners par jour. Légumes, céréales, graines, les chefs veulent une assiette « gourmande, vivante, variée, nutritive, végétarienne parce que c’est plus consensuel mais aussi plus éthique, moins cher et plus facile à stocker ».

    Pour la chef Vanessa Krycève (de face),  les cours de cuisine peuvent aider les réfugiés à se reconstruire un avenir.

    L’après-midi, la troupe animera des « ateliers de cuisines croisées » de 20 à 25 personnes, où les cultures et les origines se rencontreront et se mélangeront. L’objectif est de produire 400 repas du soir, autour de recettes kurdes, afghanes ou syriennes, selon les nationalités des participants. Le Recho a aussi sollicité l’aide des Incroyables Comestibles et du mouvement Colibris pour créer, sur le site, un jardin potager communautaire.

    Vanessa Krycève et ses acolytes sont convaincues que, loin d’être superflue, la gastronomie est une nécessité pour réparer et redonner de la dignité aux individus qui ont tout perdu : « Quand tu pars en exil, que tu laisses derrière toi toute ta vie, qu’est-ce qu’il te reste ? Des souvenirs, des mémoires de goût, des recettes. Pour ces gens-là, la cuisine est peut-être le dernier refuge, mais aussi un tremplin vers le futur. »

     
  • admin9596 5:50 pm le September 1, 2016 Permaliens  

    La ballade chaotique de Nan Goldin à Arles 

    En 1987, la photographe présente sa série « The Ballad of Sexual Dependency », dans des conditions catastrophiques.

    Lorsqu’on interroge aujourd’hui les témoins des Rencontres d’Arles de 1987, qui assistèrent à la projection de l’œuvre la plus célèbre de Nan Goldin, The Ballad of Sexual Dependency, au Théâtre antique, les souvenirs divergent. A l’époque, la forme étonne – une projection d’images de 45 minutes sans commentaire, en musique – autant que le contenu –, une traversée crue, tendre et violente de la vie intime de l’auteure dans le New York des années 1970.

    Une soirée houleuse

    « Je ne me souviens pas qu’il y ait eu beaucoup de contestation, indique Agnès Sire, directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson. Il faut dire que j’adorais tellement son travail, je n’ai peut-être pas fait attention. » Le photographe Jean-Claude Gautrand se remémore au contraire une soirée houleuse. « Ça a râlé. Il faut dire qu’à l’époque, Arles, c’était la bataille d’Hernani tous les soirs ! Mais Nan Goldin, ça n’a pas été le pire des tohu-bohu, parce que beaucoup de gens étaient déjà partis. »

    Ce qui met tout le monde d’accord, c’est le déroulement chaotique de l’événement. Dans les années 1980, le travail de Nan Goldin circule à New York dans un petit cercle de connaisseurs : les photos de sa « tribu » new-yorkaise, entre amour, amitié, art, violence, sexe et drogue, ont été projetées à la biennale du Whitney Museum of Art en 1985 et publiées dans un livre chez Aperture. Mais en Europe, elle est alors quasiment inconnue. François Hébel, directeur des Rencontres d’Arles à l’époque, assiste en 1986 à une projection dans les locaux de l’éditeur.

    « Sa projection durait une heure et demie, je lui ai suggéré de la réduire en enlevant les images de drag-queens. » François Hébel, directeur des Rencontres d’Arles

    Et il est emballé : « Elle était là avec ses paniers de diapos, les images défilaient dans la fumée de cigarette au rythme des crooners, d’Aznavour à Sinatra… » Il lui propose de la présenter au festival de photographie d’Arles, avec des modifications : « Sa projection durait une heure et demie, je lui ai suggéré de la réduire en enlevant les images de drag-queens qui s’intercalaient au milieu. Je lui ai aussi dit qu’à Arles, les carrousels de diapos qu’on charge à la main, ça n’était pas possible. » Nan Goldin a d’abord tiqué, comme elle l’a raconté au Vogue américain en 2015 : « Il faut être gonflé pour demander à un artiste de modifier son œuvre – et à l’époque j’ai piqué une crise. Mais je l’ai fait. Et c’était une idée brillante de sa part. »

    Sauf que, lorsqu’elle arrive à Paris en juin 1987 – trois jours avant le festival, cinq avant la projection –, rien n’est prêt. « Elle a débarqué avec une cassette audio de 45 minutes de musique, et une valise entière pleine de diapos qu’elle a déversées sur le sol !, raconte François Hébel. J’ai annulé tous mes rendez-vous et on s’est enfermés dans une chambre d’hôtel pour travailler. Ça a rendu mon équipe totalement dingue, l’attachée de presse hurlait tous les jours au téléphone. »

    Trois jours en apnée, sans sommeil,« dans une ambiance totalement rock’n’roll », où l’alcool coule à flots, raconte François Hébel, qui ne sortait « que pour le ravitaillement ». Mais une expérience intense et inoubliable : « J’aimais sa folie, sa sensibilité et son intelligence. » Lorsque le temps imparti est écoulé, le contrat est rempli : une projection de 50 minutes, cohérente et fluide. « En revanche, la chambre d’hôtel du Quartier latin, qui venait juste d’être refaite, était complètement détruite. Elle avait notamment écrit sur les murs », se souvient, encore gêné, François Hébel, qui s’est fait passer« un sacré savon » par l’hôtelier.

    « Les couleurs hésitantes, les images déjantées et provocatrices ont dérouté. Les photos mal cadrées, le bougé, elle s’en fichait ! » Jean-Claude Gautrand, photographe

    A Arles, la tension est forte :Le Monde, sous la plume de Patrick Roegiers, a annoncé sa projection comme « l’événement du festival ». Et les « classiques » l’attendent de pied ferme. « Les couleurs hésitantes, les images déjantées et provocatrices ont dérouté, explique Jean-Claude Gautrand. Les photos mal cadrées, le bougé, elle s’en fichait complètement ! Pour nous, la photo, c’était fait pour regarder les autres, pas pour se regarder soi. On n’était pas habitués à autant d’autobiographie. » Pour autant, selon François Hébel, le vrai scandale avait eu lieu l’année précédente : avec son programme Rock et Photo, destiné à s’ouvrir à d’autres pratiques, il avait exposé à Arles des affiches, des clichés publicitaires, de la photo de mode… provoquant la démission de la moitié du conseil d’administration.

    L’accrochage de l’exposition Goldin, qui accompagne la projection, est aussi compliqué. Car l’artiste est déjà telle qu’on la connaît : ultrasensible, angoissée, velléitaire. « On a monté l’exposition à minuit, se souvient Robert Pledge, directeur de l’agence Contact, qui donnait un coup de main. Elle devait venir superviser… Elle ne s’est jamais montrée ! » La projection au Théâtre antique, elle, est catastrophique : « On lance la musique et les images, relate François Hébel. Et là… rien n’est dans le bon ordre ! Il faut tout arrêter. » La panne se prolonge, le public finit par se disperser. « Ça nous a pris deux heures pour refaire tous les branchements. Nan était très malheureuse. » Quand enfin tout est prêt, il n’y a plus personne sur les gradins de pierre. Qu’à cela ne tienne : « Tous les gens du festival sont allés rameuter ceux qui buvaient des coups place du Forum. »

    Un succès décuplé par la tension

    Il est minuit lorsque la projection démarre. Et le miracle se produit. « Il y a eu une vraie ovation, raconte François Hébel. Le succès a été décuplé à cause de la tension. » Les ressentiments se diluent dans une coupe de champagne. Mais tout n’est pas encore fini. En plein milieu de la nuit, Nan Goldin appelle, paniquée : « On a essayé de me tuer ! » Une discussion avec un spectateur très critique a viré à l’aigre. Le directeur du festival vient calmer les esprits, et tout le monde rentre se coucher.

    La suite s’écrit de façon plus calme. Le succès de La Ballade se répand, on la demande partout. Nan Goldin ne cessera jamais d’y ajouter des photos pour mettre son œuvre à jour, mais gardera le format de 50 minutes et la bande-son tels quels. Bientôt, elle adapte l’installation audiovisuelle sous forme de tirages, négociés à prix fort. « C’est elle qui est devenue un classique ! », dit en rigolant Jean-Claude Gautrand.

    Pour les 40 ans des Rencontres, en 2009, Nan Goldin est revenue avec sa Ballade au Théâtre antique, accompagnée d’un live du trio londonien The Tiger Lillies. Cette fois sans raté.

    Nan Goldin – The Ballad of Sexual Dependency from haveanicebook on Vimeo.

     
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