Fiscalité de l’économie collaborative: le Sénat propose un seuil de 3.000 euros
La commission des Finances du Sénat a présenté mercredi une proposition de loi sur la fiscalité des plateformes collaboratives, destinée à simplifier le cadre et à garantir l’équité de traitement entre professionnels. Le groupe de travail qui a élaboré cette proposition souligne, rapport à l’appui, que l’économie collaborative a représenté 28 milliards d’euros de transactions en 2016, le double d’il y a un an, et qu’elle pourrait atteindre 572 milliards d’euros en 2025.
« Le but n’est pas de créer une fiscalité nouvelle« , a déclaré Alberic de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, lors d’une conférence de presse.
« Aujourd’hui, il n’y a pas en matière fiscale de trou dans la législation, tous ces revenus sont en principe taxés« , a-t-il indiqué. Mais, si Bercy a récemment clarifié les règles en publiant une dizaines de fiches destinées à favoriser les « bons réflexes », le « système est complexe« . Par conséquent, une grande part de ces revenus échappent en réalité à la fiscalité. Et ce, bien que les plateformes en ligne soient déjà censées depuis juillet 2016 fournir à leurs usagers un relevé annuel quant à leurs obligations fiscales.
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Un seuil unique, à l’instar de voisins européens
Les sénateurs proposent donc de créer un seuil unique de 3.000 euros, en dessous duquel les petits compléments de revenu ne seront pas imposés. Ensuite, si le revenu s’élève jusqu’à 4.225 euros par an pour les ventes de biens, 6.000 euros pour la prestation de services comme le transport de personnes, la location d’un appartement meublé ou d’une voiture, et de 8.824 euros par an pour des services comme du soutien scolaire à domicile ou des cours de yoga, un avantage fiscal dégressif est prévu. Au-delà de ces seuils, le contribuable serait imposé normalement. Quant au covoiturage, il reste exonéré d’impôt, tout comme les ventes d’occasion. D’autres pays pratiquent cette méthode du seuil, à l’instar de la Belgique, où il est fixé à 5.000 euros. Il est de 1.000 euros au Royaume-Uni et de 3.000 euros en Italie, rappelle l’avocat Emile Meunier sur son blog.
Par ailleurs, la proposition de loi suggère que les plateformes déclarent automatiquement les revenus de leurs utilisateurs une fois par an – ce que le projet de loi de finances rectificative 2016 a déjà prévu de rendre obligatoire à l’horizon 2019. Pour cela, les utilisateurs devront donner leur accord à la transmission des revenus lors de leur inscription sur les plateformes, ce qui leur permettra de bénéficier de l’abattement forfaitaire de 3.000 euros. Alberic de Montgolfier a fait valoir que ce système fonctionnait déjà aux Etats-Unis et en Estonie. Sur le risque que les plateformes refusent de faire cette transmission, il a estimé que « l’administration, au lieu de lancer des contrôles tous azimuts des plateformes à droite ou gauche […], concentrera ses efforts sur les plateformes qui ne feront pas la transmission automatique ».
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La Fédération des plateformes collaboratives, créée en février 2016 et regroupant des entreprises de tailles et de secteurs différents telles qu’Airbnb, Drivy, Heetch ou encore Gogomitch, a salué ce travail. Son président, Ronan Kervadec, estime dans un communiqué que « si cette proposition était adoptée, elle permettrait à l’économie collaborative de se développer plus sereinement. Il était temps que le législateur prenne conscience des besoins de simplicité et de lisibilité dont les utilisateurs ont besoin ». En revanche, ce groupement de plateformes se dit plutôt favorable à un seuil de 5.000 euros, comme en Belgique.
Distinction entre particulier et professionnel
Emile Meunier note une autre « lacune de cette proposition de loi », tout en reconnaissant que « ce n’était pas son sujet » :
« Elle ne répond pas complètement à la question de la distinction utilisateur particulier/professionnel. En effet, si l’on comprend qu’en dessous du seuil de 3.000€ par an les utilisateurs sont présumés non professionnels au regard des cotisations sociales et du travail dissimulé, le sont-ils aussi au regard du Code de la consommation ? Juridiquement non. Il s’agit d’une branche du droit distincte ».
Il suggère donc une idée d’amendement qui proposerait directement un renvoi par le Code de la consommation à ce seuil de 3 000 euros.
Notons à cet égard qu’un récent rapport adopté par le Parlement européen demande ainsi qu’une distinction soit faite entre les plateformes d’intermédiation qui ne génèrent aucun bénéfice commercial pour leurs utilisateurs et celles qui mettent en relation un prestataire de service (dans un but lucratif) et un client, avec ou sans relation de type employeur-employé entre le prestataire de services et la plateforme. Et suggère, pour faciliter le respect entre les parties de leurs obligations en matière fiscale et de sécurité sociale, de s’assurer que les prestataires de services utilisant les plateformes soient compétents et dûment qualifiés (de manière à assurer la protection des consommateurs). Pour cela, les autorités nationales devraient pouvoir demander les informations qu’elles jugent nécessaires aux plateformes d’intermédiation.
Pour l’heure, selon une étude réalisée par CSA pour Cofidis dont les résultats ont été publiés le 12 janvier 2017, l’économie collaborative rapporterait en moyenne 495 euros par an aux Français. Elle serait utilisée par 95% des Français en tant que consommateur et par 81% d’entre eux en tant que « vendeur » (hôte Airbnb, conducteur Blablacar, vendeur sur leBoncoin). Recourir à une plateforme de l’économie du partage serait même une pratique « régulière » pour 62% d’entre eux.
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Pour aider les Français qui ont revendu des objets sur internet ou loué leur voiture à remplir leur déclaration d’impôts, Drivy a publié une infographie pédagogique qui explique de manière simple et concrète quels sont les revenus à déclarer, et à partir de quels montant ces derniers sont imposés. La plateforme de location de voitures entre particuliers, concurrente de Ouicar, insiste notamment sur le fait que les montants des gains issus d’une activité de location entre particuliers doivent toujours être déclarés, même s’ils ne sont imposables qu’à partir de 305 euros par an.