Frédéric Chau, porte-parole de la communauté asiatique malgré lui
Indigné par la mort d’un couturier chinois agressé à Aubervilliers en août, l’acteur franco-vietnamien a décidé de passer à l’action. Avec son clip, « Sécurité pour tous », il porte le drapeau d’une nouvelle génération.
On l’a vu sur tous les plateaux de télévision ces dernières semaines. Depuis la mort de Chaolin Zhang à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le comédien franco-vietnamien Frédéric Chau est devenu porte-parole malgré lui de la communauté asiatique. Le 7 août, un couturier chinois de 49 ans, père de deux enfants, est agressé en compagnie de l’un de ses amis. Il meurt quelques jours plus tard d’un « traumatisme crânien grave avec fracture du rocher gauche et hémorragie intracrânienne », selon le rapport d’autopsie. « N’ayant pu être présent pour la marche silencieuse [qui a eu lieu le 14 août à Aubervilliers]. Toutes mes pensées vous accompagnent. Je m’indigne face à la passivité de notre Etat », tweete, le 15 août, Frédéric Chau, révélé au Jamel Comedy Club, et popularisé dans le film à succès Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? (2014), où il endossait le rôle du gendre chinois.
Un clip et des artistes
Touché par ce drame, lui qui a eu tant de mal à trouver sa place en tant que Français d’origine étrangère – « Dès que je rentrais chez moi, j’étais le Frédéric introverti qui correspondait aux us et coutumes de mes parents. Dehors, j’étais le Français qui vanne ses potes, joue au basket, tchatche les meufs » –, il décide de réaliser le spot « Sécurité pour tous », afin d’accompagner la manifestation du 4 septembre contre le racisme anti-asiatique organisée à Paris. « La visibilité était plus importante que d’habitude, mais ce n’était encore qu’une goutte d’eau. C’est pour cela que j’ai fait ce clip », explique-t-il, sans prétention. Il met ainsi à contribution son carnet d’adresses et rameute ses troupes en un temps record. Michel Boujenah, Josiane Balasko, Edouard Montoute, Pascal Sellem ou encore Brahim Asloum se prêtent au jeu dans un studio d’enregistrement que Frédéric Chau loue à ses frais. Face caméra, chacun marque son opposition à la violence.
Les jours suivant la manifestation parisienne, qui a rassemblé plus de 15 500 personnes, le comédien se retrouve invité à la matinale d’i-Télé et à « C à Vous » sur France 5. Il répète à qui veut l’entendre l’agression dont fut victime sa mère, près de la cité Maurice-Grandcoing, à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis), où il a grandi. Bousculée et jetée à terre en rentrant du travail par un agresseur qui lui vole son sac. « J’avais 15 ans. Vingt-cinq ans après, les choses n’ont pas changé », déplore-t-il.
Le 7 septembre, « Le Gros Journal » de Mouloud Achour installe son plateau à Aubervilliers. Ce jour-là, l’émission s’ouvre et s’achève en langue chinoise, et la séquence Carte blanche est confiée à Frédéric Chau. Pendant deux minutes, le comédien en profite pour dénoncer les clichés circulant sur les Asiatiques (ils auraient toujours de l’argent plein les poches, s’exprimeraient toujours avec un accent, se ressembleraient tous…).
Cet emballement médiatique n’est pas forcément perçu d’un bon œil par l’acteur, qui craint d’être étiqueté.Il fuyait déjà les rôles « clichés et condescendants de Chinois avec un accent » depuis des années. « Ce que je veux exprimer passe à travers mon spot. Ça m’embête d’aller sur les plateaux télé. Je suis un artiste, apolitique, avec des convictions qui m’appartiennent, confesse Frédéric Chau, les sourcils froncés. Je sens que j’ai un poids sur les épaules, mais c’est à la communauté asiatique de faire un pas vers l’autre, de créer un lien social. Le racisme existe parce qu’on ne connaît pas l’autre. Nous, traditionnellement, nous sommes des gens introvertis et discrets, nous avons l’intelligence, ou pas, de ne pas relever les réflexions. Mais les jeunes générations, dont je fais partie, se sentent françaises. On commence à s’indigner, à répondre. Il nous appartient de faire changer les choses. » Voyant la vague se retirer, Frédéric Chau va retrouver avec bonheur ses rôles préférés : acteur, auteur et réalisateur. A travers eux, il continuera à défendre sa double culture et à mieux faire connaître sa communauté.
Le clip « Sécurité pour tous » réalisé par Frédéric Chau
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par Julie Hamaïde