Paul Watson l’écolo et Alexandre Ricard le patron unis pour protéger l’océan
Le PDG du groupe Pernod Ricard n’a pas hésité à associer son nom à celui du sulfureux fondateur de l’ONG Sea Shepherd pour le lancement de l’opération Take OFF en faveur des océans.
Il est assez rare de voir sur une même scène un chef d’entreprise du CAC 40 et un pirate. Ce 23 juin, sur les quais de Seine à Paris, dans un lieu à mi-chemin entre péniche et bar branché, Alexandre Ricard, le PDG du groupe Pernod Ricard, et Paul Watson posent ensemble pour la postérité.
Dans le milieu de la protection des océans, Paul Watson est une star. Un militant écologiste connu pour ses faits d’armes – le fameux sauvetage de bébés phoques avec Brigitte Bardot sur la banquise en 1977, quelques baleiniers coulés depuis –, exilé en France sous le coup de deux mandats d’arrêt internationaux. Barbe blanche et chemise ouverte sur tee-shirt pour l’un, costume sérieux et sourire mesuré pour l’autre. Inutile de préciser qui porte quoi.
Tous deux sont venus soutenir le lancement de Take OFF (Take Ocean For Future), une opération menée par l’Institut océanographique Paul-Ricard pour lever des fonds et mettre la recherche au cœur de la protection de l’océan. « Je suis très à l’aise avec ce mélange des genres, précise Patricia Ricard, la présidente de l’institut. Parce que chacun peut attirer l’attention avec ses méthodes. » Avec Paul, qu’elle voit plus comme un « corsaire justicier » qu’un pirate, les Ricard misent sur l’effet « good cop, bad cop ».
Watson a tenu son rôle de lanceur d’alerte, images de baleines en détresse à l’appui et rappelé que « si l’océan meurt, nous mourrons aussi ». Alexandre Ricard a, lui, endossé son costume rassurant de « plus jeune chef d’entreprise du CAC 40 », dont le groupe finance déjà à 75 % l’action de l’institut. « Il faut que notre action sorte du petit monde de la mer. Il y a urgence », souligne sa cousine Patricia Ricard, aux manettes depuis dix ans. Pour elle, le déclic a eu lieu avec la COP 21 en France : « On a pensé que tout ce qu’on disait et faisait depuis des années dans notre coin pouvait avoir un écho. Et quand Alexandre prend la parole, il est plus facilement entendu par ses pairs, il touche un public plus large que le nôtre. »
Ce soir-là, Alexandre Ricard le concède : il ne connaît « rien à la climatologie », mais en mémoire de son grand-père Paul Ricard, fondateur du groupe qu’il préside depuis un an et demi, il veut bien « se faire le porte-parole de la protection des océans » dans son milieu. Ses pairs, ce sont les investisseurs, les business angels, comme le fondateur de Meetic Marc Simoncini ou le directeur général de la Fondation Veolia présents ce soir-là. Et ce sont eux qu’il cherche à convaincre de soutenir le projet de résidence de chercheurs qui sera installée au sein de l’institut, sur l’île des Embiez (Var).
Un des pans de l’opération Take OFF. Au milieu d’un discours bien rôdé, Patricia Ricard sait, elle, se faire offensive : « Il faut vraiment rendre le mécénat océanographique à la mode comme le mécénat artistique peut l’être. Et rappeler à tous les chefs d’entreprise que les avantages fiscaux sont les mêmes ! » Son cousin, un peu plus mesuré, a d’autres arguments sur son engagement. « C’est un sujet qui transcende tous les individus et d’une certaine façon notre activité est concernée. Un climat protégé, ce sont des vignobles protégés, des terroirs protégés. »
Et le PDG du numéro deux mondial dans le secteur des vins et spiritueux d’expliquer avec pédagogie qu’« en Australie les vendanges ont, en dix ans, été déplacées de janvier à mars pour cause de dérèglement climatique ». Or, pour un bon champagne, il faut du raisin de qualité. Pour une bonne vodka, un climat adapté aux champs. Surtout, « il ne faut pas oublier que le pastis est constitué en majorité d’eau ». Un pirate est un pirate, un patron est un patron.