Mises à jour de juillet, 2016 Activer/désactiver les fils de commentaires | Raccourcis clavier

  • admin9596 5:11 pm le July 28, 2016 Permaliens  

    Chez les Bleus, après la déprime, la prime 

    Pour avoir atteint la finale de l’Euro, chaque joueur de l’équipe de France touchera 250 000 euros. Une somme raisonnable pour le milieu du football, négociée avant le début de la compétition.

    Finalistes malheureux de l’Euro 2016 face au Portugal, les Bleus n’ont pas tout perdu : ils empochent 250 000 euros chacun.

    Ce n’est certainement pas un lot de consolation, à peine un peu de beurre rance dans les épinards amers de la défaite. Mais, pour leur parcours de finaliste à l’Euro 2016, les joueurs de l’équipe de France de football vont empocher, chacun, une prime de 250 000 euros. Cette somme a été ­officialisée par Noël Le Graët, président de la Fédération française de football (FFF), avant le début de la compétition, et c’est une tradition.

    « Ces primes correspondent souvent au salaire mensuel des joueurs, et ce n’est pas ça qui va les inciter à courir plus vite. » Henri Emile, ancien intendant des Bleus

    « Les primes de performance sont négociées lors du stage de prépa­ration, pour avoir l’esprit libre durant la ­compétition », raconte Henri Emile. En tant qu’intendant des Bleus entre 1984 et 2004, puis entre 2010 et 2012, il faisait l’intermédiaire entre les responsables de la Fédération et les joueurs chargés de négocier les primes pour toute l’équipe. Des exigences toujours raisonnables. « Ces primes correspondent souvent au salaire mensuel des joueurs, et ce n’est pas ça qui va les inciter à courir plus vite, poursuit-il. Mais, comme ils sont professionnels, ils ne veulent pas jouer pour rien. »

    Lire aussi (abonnés) : Antoine Griezmann, ni affreux, ni sale, ni méchant

    Petits comptes d’épicier en guise d’exemples : ces 250 000 euros excèdent le salaire de Kingsley Coman, payé environ 160 000 euros par mois au Bayern Munich, mais ne sont pas forcément un « super-banco » pour Antoine Griezmann, qui émarge à environ 500 000 euros ­ mensuels dans son club de l’Atlético Madrid, ou pour Olivier Giroud, qui touche environ 600 000 euros à Arsenal.

    Antoine Griezmann (ici, pendant la finale, face à William Carvalho) vaut désormais 100 millions d’euros en cas de transfert.

    Henri Emile n’a aucun souvenir« d’avoir vécu la moindre difficulté lors de ces négociations. Que ce soit avec la génération Platini, Papin ou Zidane ». C’est normal, il n’était pas ­présent à Knysna (Afrique du Sud), lors du fiasco de la Coupe du monde 2010. Cette année-là, pour ajouter encore un peu aux mauvais traitements infligés au maillot bleu, les ­grévistes avaient traîné des crampons pour finalement renoncer à leur prime, estimée en totalité à 2 millions d’euros. Tout cela est loin.

    Lors de l’Euro 2012, en Ukraine et en Pologne, les Bleus auraient gagné 320 000 euros en cas de victoire finale. Deux ans plus tard, s’ils avaient soulevé la coupe du monde à Rio (Brésil), chaque sélectionné aurait touché 200 000 euros. ­Eliminés en quarts de finale par l’Allema­gne, ils s’étaient contentés de 93 000 euros.

    Droits à l’image

    Cette année, ce sont Hugo Lloris, le capitaine, et Blaise Matuidi qui ont été mandatés par l’équipe pour négocier les primes. En cas de victoire finale, les Bleus auraient touché 300 000 euros. Mais rien du tout s’ils ne s’étaient pas qualifiés pour les quarts, dans la mesure où la compétition se déroulait à domicile.

    Cette somme n’inclut pas les droits à l’image. Reversés aux Bleus pour l’utilisation de leur image par les ­différents sponsors, ceux-ci sont ensuite calculés en fonction de leurs apparitions sur le terrain. Hugo Lloris, qui a été titulaire lors de tous les matchs, touchera plus que Christophe Jallet, qui n’a pas joué une seule seconde.

    Noël Le Graët a par ailleurs précisé que « les vingt-trois joueurs [laisseraient] 5 % de leurs primes pour tous les joueurs venus en stage avec eux – Areola, Sidibé, Mathieu, Rabiot, Diarra, Ben Arfa, Lacazette et Gameiro ».

    Les 300 000 euros avaient été qualifiés de « somme très respectable » par le président de la FFF, qui n’était peut-être pas au courant que son homologue belge avait promis de verser 700 000 euros à chacun de ses joueurs en cas de victoire finale.

    Un parfait objet marketing

    En réalité, l’habitude de la FFF est de reverser 30 % des sommes données par l’Union des associations européennes de football (UEFA) au terme de la compétition. La générosité de la fédération est ainsi en conjonction avec celle de l’UEFA, qui a distribué 301 millions d’euros de primes sportives à l’ensemble des sélections nationales, dont 18,5 millions d’euros à la France, finaliste, et 26,5 millions au Portugal, vainqueur.

    Mais pas de souci de trésorerie : grâce à l’augmentation des revenus générés par le changement de format de la ­compétition, passant de seize à vingt-quatre équipes, l’UEFA devrait engranger environ 2 milliards d’euros.

    En fait, l’Euro, tout le monde y gagne. Les Bleus sont redevenus un parfait objet marketing. Antoine Griezmann vaut désormais 100 millions d’euros en cas de transfert. Le président de la République, François Hollande, y glanera peut-être quelques points de satisfaction.

    La France tout entière n’est pas en reste : après la Coupe du monde 1998, la consommation des ménages a atteint son plus haut niveau en dix ans. Et en 2002, malgré la défaite des Bleus dès le premier tour, elle avait à nouveau enregistré une hausse…

    Lire aussi : Euro 2016 : l’heure des comptes a sonné

     
  • admin9596 7:56 am le July 25, 2016 Permaliens  

    Les tourments éternels de la Centrafrique 

    Déchirée par les massacres entre ­communautés chrétienne et musulmane, ainsi que les conflits nés de l’exploitation de ses ressources minières, la RCA peine à se sortir du chaos. La mine d’or de Ndassima, près de la ville de Bambari, est la plus importante de Centrafrique. Des centaines de mineurs y produisent près de 15 kg d’or par mois. Elle est contrôlée par le général Ali Daras, ancien membre de la rébellion Séléka, qui protège les mineurs contre paiement.

     
  • admin9596 10:22 am le July 24, 2016 Permaliens  

    Les « monuments » de Frank Gehry 

    C’est à lui que la mécène Maja Hoffmann a fait appel pour la conception de la tour de la fondation LUMA à Arles. Retour sur quelques œuvres emblématiques de l’architecte Frank Gehry. Le Musée Guggenheim, à Bilbao, à ouvert en 1997. Ce musée d’art moderne et contemporain est situé au bord du fleuve Nervión, dans un quartier industriel réaménagé où il occupe sur une surface de 24 000 m2. Ses courbes de titane à facettes font penser aux écailles d’un poisson, animal fétiche de Frank Gehry, évoqué dans plusieurs de ses réalisations.

     
  • admin9596 11:51 am le July 19, 2016 Permaliens  

    Paul Watson l’écolo et Alexandre Ricard le patron unis pour protéger l’océan 

    Le PDG du groupe Pernod Ricard n’a pas hésité à associer son nom à celui du sulfureux fondateur de l’ONG Sea Shepherd pour le lancement de l’opération Take OFF en faveur des océans.

    « Si l’océan meurt, nous mourrons aussi », explique Paul Watson, une star de la militance écologiste. En 1977, il avait notamment participé au sauvetage de bébés phoques sur la banquise, avec Brigitte Bardot.

    Il est assez rare de voir sur une même scène un chef d’entreprise du CAC 40 et un pirate. Ce 23 juin, sur les quais de Seine à Paris, dans un lieu à mi-chemin entre péniche et bar branché, Alexandre Ricard, le PDG du groupe Pernod Ricard, et Paul Watson posent ensemble pour la postérité.

    Dans le milieu de la protection des océans, Paul Watson est une star. Un militant écologiste connu pour ses faits d’armes – le fameux sauvetage de bébés phoques avec Brigitte Bardot sur la banquise en 1977, quelques baleiniers coulés depuis –, exilé en France sous le coup de deux mandats d’arrêt internationaux. Barbe blanche et chemise ouverte sur tee-shirt pour l’un, costume sérieux et sourire mesuré pour l’autre. Inutile de préciser qui porte quoi.

    Tous deux sont venus soutenir le lancement de Take OFF (Take Ocean For Future), une opération menée par l’Institut océanographique Paul-Ricard pour lever des fonds et mettre la recherche au cœur de la ­protection de l’océan. « Je suis très à l’aise avec ce mélange des genres, précise Patricia Ricard, la présidente de l’institut. Parce que chacun peut attirer l’attention avec ses méthodes. » Avec Paul, qu’elle voit plus comme un « corsaire justicier » qu’un pirate, les Ricard misent sur l’effet « good cop, bad cop ».

    Patricia Ricard, directrice de l’Institut océanographique, et Paul Watson.

    Watson a tenu son rôle de lanceur d’alerte, images de baleines en détresse à l’appui et rappelé que « si l’océan meurt, nous mourrons aussi ». Alexandre Ricard a, lui, endossé son costume rassurant de « plus jeune chef d’entreprise du CAC 40 », dont le groupe finance déjà à 75 % l’action de l’institut. « Il faut que notre action sorte du petit monde de la mer. Il y a urgence », souligne sa cousine Patricia Ricard, aux manettes depuis dix ans. Pour elle, le déclic a eu lieu avec la COP 21 en France : « On a pensé que tout ce qu’on disait et faisait depuis des années dans notre coin pouvait avoir un écho. Et quand Alexandre prend la parole, il est plus facilement entendu par ses pairs, il touche un public plus large que le nôtre. »

    Pour Alexandre Ricard, plus jeune patron du CAC 40, « un climat protégé, ce sont des vignobles protégés ».

    Ce soir-là, Alexandre Ricard le concède : il ne connaît « rien à la climatologie », mais en mémoire de son grand-père Paul Ricard, fondateur du groupe qu’il préside depuis un an et demi, il veut bien « se faire le porte-parole de la protection des océans » dans son milieu. Ses pairs, ce sont les investisseurs, les business angels, comme le fondateur de Meetic Marc Simoncini ou le directeur général de la Fondation Veolia présents ce soir-là. Et ce sont eux qu’il cherche à convaincre de soutenir le projet de résidence de chercheurs qui sera installée au sein de l’institut, sur l’île des Embiez (Var).

    Un des pans de l’opération Take OFF. Au milieu d’un discours bien rôdé, Patricia Ricard sait, elle, se faire offensive : « Il faut vraiment rendre le mécénat océanographique à la mode comme le mécénat artistique peut l’être. Et rappeler à tous les chefs d’entreprise que les avantages fiscaux sont les mêmes ! » Son cousin, un peu plus mesuré, a d’autres arguments sur son engagement. « C’est un sujet qui transcende tous les individus et d’une certaine façon notre activité est concernée. Un climat protégé, ce sont des vignobles protégés, des terroirs protégés. »

    Et le PDG du numéro deux mondial dans le secteur des vins et spiritueux d’expliquer avec pédagogie qu’« en Australie les vendanges ont, en dix ans, été déplacées de janvier à mars pour cause de dérèglement climatique ». Or, pour un bon champagne, il faut du raisin de qualité. Pour une bonne vodka, un climat adapté aux champs. Surtout, « il ne faut pas oublier que le pastis est constitué en majorité d’eau ». Un pirate est un pirate, un patron est un patron.

     
  • admin9596 4:31 am le July 18, 2016 Permaliens  

    Douze ans de lois contre la malbouffe 

    Le Chili vient d’interdire aux marques alimentaires d’intégrer des cadeaux pour enfants à leurs produits. Comme lui, de nombreux pays ont adopté une attitude sévère contre la junk food.

    2016 : de jouets en bonus, tu ne vendras point

    Les Kinder Surprise.

    Au Chili, une loi sur l’alimentation qui entre en vigueur le 27 juin cible les aliments vendus avec des jouets. De quoi sonner le glas des Kinder Surprise et faire perdre aux Happy Meals, menus enfants de McDonald’s, leur attrait phare. Une mesure choc dans un pays où le fléau de l’obésité sévit : en dix ans, la population touchée par le diabète y a augmenté de 80 %.

    2014 : sur l’étiquette, les calories tu indiqueras

    Des informations nutritionnelles sur les produits inscrites sur l'emballage papier de chaque produit consomme.

    Les Etats-Unis, temple du burger et de la pizza épaisseur triple, imposent en 2014 aux chaînes de restauration d’inscrire le nombre de calories de leurs plats sur leurs menus. Une avancée importante, dans un pays qui a longtemps placé la liberté des consommateurs au-dessus des impératifs de santé publique.

    2013 : les menus enfants tu supprimeras

    Taco Bell aux Etats-Unis.

    C’est une décision, parmi d’autres, symbolisant le changement de pied des grandes chaînes face à une opinion qui se rebiffe et face à leurs ventes en baisse. En 2013, Taco Bell, icône américaine des fast-foods à la sauce tex mex, opte pour la suppression, outre-Atlantique, de ses menus spéciaux pour enfants avec cadeaux.

    2010 : d’une taxe malbouffe tu t’acquitteras

    Pour financer un système de santé en crise et lutter contre l’embonpoint croissant de sa population, la Roumanie est le premier pays à instaurer, en 2010, une taxe sur la malbouffe, ciblant les aliments gras et sucrés vendus dans les fast-foods ou aux rayons sucreries et sodas. D’autres pays, tel le Danemark, lui emboîtent rapidement le pas. En France, la taxe soda existe depuis 2012.

    Lire aussi : Un rapport préconise l’augmentation de la « taxe soda »

    2004 : à l’école, les distributeurs tu banniras

    En France, les distributeurs automatiques de sodas, de chips ou de barres chocolatées sont bannis des écoles dès la rentrée scolaire 2004. En 2011, un nouveau tour de vis est donné : le ketchup, comme la mayonnaise ou la vinaigrette, cessent d’être en accès libre dans les cantines des écoles primaires.

    Lire aussi Alimentation : discorde sur l’étiquetage

     
  • admin9596 6:16 pm le July 14, 2016 Permaliens  

    Les Belges digèrent mal la loi « mayo » 

    Afin de lutter contre la concurrence étrangère, un décret royal réduit la teneur en matière grasse et œuf de la mayonnaise. Sacrilège !

    Le couperet est tombé : l’arrêté royal « mayonnaise » a été publié au Moniteur belge, vendredi 10 juin. Traduction ?Le Journal officiel du royaume a inscrit dans la loi un texte qui ébranle l’un des fondements de sa culture et de sa gastronomie : la « mayo ». Celle-ci, qui nappe les barquettes de frites, caractérise la célèbre recette de tomates-crevettes et lie le filet américain – le steak tartare « made in Belgium » –, vit ses derniers jours sous sa forme ancestrale.

    Sous le couvert d’une « modernisation de la législation alimentaire, parfois vieille de trente ou soixante ans », le ministre flamand de l’économie et de la consommation, Kris Peeters, a posé un acte qui confine au sacrilège. La teneur minimale en matière grasse de la mayonnaise sera abaissée de 80 % à 70 % et celle en œufs, de 7,5 % à 5 %.

    Un appel à consommer plus « light »

    Souci sanitaire ? Industriel plutôt : les entreprises belges devraient être mieux armées face à la concurrence étrangère qui, préservée des règles en vigueur au royaume, produit déjà des sauces à moindre coût, car comportant moins de matière grasse et d’œufs.

    Il fallait donc aider un secteur alimentaire qui compte « parmi les meilleurs au monde » – c’est le ministre qui le dit – et, surtout, pèse 90 000 postes de travail. L’indigeste réforme, qui a déclenché un torrent de protestations, semble d’autant plus inacceptable à beaucoup de puristes qu’elle est assortie d’un appel, jugé hypocrite, à consommer plus « light ».

    Il est vrai, toutefois, que quarante-cinq autres textes de la loi belge sont en cours de révision tandis que la ministre de la santé publique, Maggie De Block, vient de signer une convention avec l’industrie alimentaire – des chocolatiers, des chaînes de fast-food et des cuisines collectives. Le but : réduire de 5 % la consommation de graisses, de sel et de sucres. L’intention est noble et l’engagement du secteur, prétendument sincère.

    Une image d’emblème national

    On relève cependant que, faute de moyens, les contrôles seront presque inexistants. En outre, des nutritionnistes redoutent l’apparition, dans les aliments, de substances peut-être plus nocives que celles dont on veut limiter la présence.

    Auréolée de son image d’emblème national, au même titre que le waterzooi de Gand, le sirop de Liège ou la tarte au riz de Verviers, la sauce mayonnaise déclenche les passions. Sur les réseaux sociaux, Kris Peeters est vilipendé, accusé de favoriser des produits qui contiendront des œufs de synthèse et de l’huile de palme. « Quand notre cher Auguste Escoffier[grand cuisinier français, mort en 1935] va apprendre ça, il va se retourner dans sa tombe », écrit un lecteur sur le site du Soir de Bruxelles.

    Un autre, qui dénonce cette polémique « incroyable, alors qu’il y a des événements plus graves à traiter », se fait vertement rabrouer par un contradicteur : « Ah ! Et la mayonnaise sur vos frites, c’est pas primordial, peut-être ? » Précision – non superflue – : redoutant sans doute l’impopularité, Kris Peeters a, en réalité, assorti sa loi d’un discret appendice disposant qu’un label « mayonnaise traditionnelle » sera autorisé. Plus chère, celle-ci devra comporter… 80 % de matière grasse et 7,5 % d’œufs ! Magique, le compromis à la belge.

     
  • admin9596 9:08 pm le July 11, 2016 Permaliens  

    Les rats de la discorde 

    Réunis en séminaire à Paris, des experts internationaux se sont divisés sur la stratégie à adopter pour gérer les mammifères en milieu urbain.

    Des rats tentent d’échapper à la crue de la Seine, en juin.

    Comment s’étonner que la rencontre ait eu lieu en sous-sol ? Le 16 juin, la Mairie de Paris accueillait, dans son auditorium, un « séminaire international » intitulé « Stratégie de gestion des rats en milieu urbain ». L’international allait de Zurich (Suisse) à Amiens, et de Marseille à Hambourg (Allemagne). Et, puisque le rongeur ne fait pas de discrimination sociale, on allait aussi bien mentionner les terriers de la prison de Perpignan que les berges de Seine, à Rueil-Malmaison.

    Les grandes conférences mondiales de lutte contre les rats ont plus de cent ans. La première fut organisée en 1897 à Venise (Italie), après la découverte par Alexandre Yersin, en 1894, du bacille de la peste porté parcet animal. Les premiers congrès tenus à Paris – en 1927 et 1928 –

    visaient, comme celui de la semaine passée, à l’échange de bonnes pratiques.

    « Gestion raisonnée »

    A l’époque, on y parlait gestion des déchets et « rat-proofing » (comment empêcher le rongeur de s’installer quelque part). Près d’un siècle plus tard, face à l’apparition de souches de rats résistant aux poisons, on parle plus volontiers de « gestion raisonnée » de l’animal. L’objectif est de ramener sa présence au ratio d’un individu par habitant en ville – à Paris, il est de 1,75, avec 75 % à 80 % d’entre eux vivant dans les égouts –, pour éviter l’affaissement des chaussées, les courts-circuits électriques et autres risques urbains, tout cela au moindre coût.

    Un Danois venu présenter son système de piège a envoyé un courrier recommandé

    à un autre intervenant avant la conférence pour demander que sa méthode ne soit pas critiquée : c’est dire si les enjeux commerciaux sont plus élevés qu’au siècle dernier. « Avec sa technique de piégeage, ça fait le rat à 3,50 euros », explique Pierre Falgayrac, l’un des rares formateurs indépendants à la gestion des rats. Parlez-lui du métier, et vous le verrez remonté comme une pendule contre « les conceptions anthropomorphiques » de la bestiole.

    « On n’a jamais vu des rats faire ce que les hommes ont fait à l’île de Pâques ! » Pierre Falgayrac, formateur à la gestion des rats

    Si on met des appâts partout et tout le temps, explique-t-il, c’est parce qu’on voit ces rongeurs comme des armées, avec une vision militaire propre à l’être humain. Voilà pourquoi, dans ces conférences, il voudrait qu’on apprenne à mieux connaître les rats que les produits. « Ils percent le métal. Seul le béton et la brique résistent aux dents du surmulot [autre nom du rat brun] », poursuit-il dans l’auditorium.

    Grandes capacités cognitives

    Les écrans suivants sont consacrés aux capacités cognitives du rat. L’occasion d’apprendre qu’un seul stimulus inquiétant suffit au rongeur pour qu’il mette en place une stratégie d’évitement, d’où les limites des pièges.

    « Les professionnels doivent arrêter de quadriller l’espace avec des boîtes d’appâtage : 90 % d’entre elles ne servent à rien. » La capacité des rats à comprendre les dangers va bien au-delà de ce que nous imaginons, insiste-t-il. « Boulevard Sakakini [dératisé depuis], à Marseille, j’ai vu des rats sortir au rythme des feux rouges ! » Silence dans la salle.

    Comble de la sophistication, Pierre Falgayrac et le responsable des déchets de la ville de Pau ont constaté que les rats étaient capables, dans une décharge, de dormir jusqu’à midi dès qu’ils avaient compris que la nourriture arrivait tous les jours à la même heure.

    Ces animaux, explique-t-il encore, n’augmentent pas leur population au-delà de la survie. Sur les îles inhabitées où des chercheurs en ont introduit malgré eux, on a constaté que leur population se stabilisait en fonction des ressources. « On n’a jamais vu des rats faire ce que les hommes ont fait à l’île de Pâques », avance-t-il (selon une thèse très controversée, les autochtones auraient disparu après avoir dilapidé leurs ressources naturelles). A se demander pourquoi les rats ont si mauvaise réputation…

    Une appli pour signaler sa présence ?

    C’est d’ailleurs la ligne de fracture générale entre la méthode dure et les partisans d’une cohabitation pacifique. « Dans un circuit électrique, un seul rongeur suffit à provoquer un court-jus ! », met en garde Mickaël Sage, de CD Eau Environnement, un cabinet d’expertise en faune sauvage. Il montre un article de presse après un accident ferroviaire : « 40 blessés, ça aurait pu être pire… »

    Son autre argument tient aux dangers pour l’agroalimentaire. Un rat consomme chaque jour 15 % de son poids. En prenant en compte ce qu’il mange et ce qu’il souille, il estime à 11 kilos de nourriture par an et par habitant dans le monde ce qui est consommé par les rongeurs.

    En réponse, un participant estime que les discours sur la santé publique sont trop alarmistes et préférerait qu’on s’inquiète des effets des produits chimiques sur notre environnement.

    Et si, suggère Romain Lasseur, un autre spécialiste, on adaptait Waze, l’appli qui permet notamment de signaler la présence des gendarmes sur l’autoroute, pour en faire un « Raze » ? Enfin, un autre expert demande si la profession ne se fixe pas des objectifs trop dépendants de la perception politique envers les rats, qui voudrait qu’il ne faille pas en voir du tout. « Dans le fond, ne devrait-on pas organiser le vivre-ensemble ? »

     
  • admin9596 7:24 pm le July 8, 2016 Permaliens  

    Agathe Bonitzer : « Jouer éloigne de soi, c’est superlibérateur » 

    Dans le film de son père Pascal, « Tout de suite maintenant », en salles le 22 juin, l’actrice de 27 ans délaisse les rôles de jeune fille pour incarner une femme.

    « Dans “Tout de suite maintenant”, je joue enfin une femme de mon âge », explique  Agathe Bonitzer.

    Même si elle est la « fille de »(sa mère, la réalisatrice Sophie Fillières, et son père, le scénariste et réalisateur Pascal Bonitzer), Agathe Bonitzer n’a plus de craintes à avoir quant à sa légitimité. Bluffante dans Tout de suite maintenant – de son père –, où elle est une cadre ambitieuse de la haute finance, la jeune actrice de 27 ans sera à l’affiche de nombreux films dans les mois à venir.

    Lire la critique de « Tout de suite maintenant » : Un Bonitzer de famille

    Avec Nora, le personnage principal de « Tout de suite maintenant », vous jouez votre premier rôle de femme adulte…

    C’est vrai. C’est la première fois que j’incarne quelqu’un avec une certaine maturité professionnelle et sociale. Dans mes rôles précédents, j’étais davantage empêtrée dans des problèmes de jeune fille. Je joue enfin une femme de mon âge.

    Comment appréhender cette maturité ?

    Appréhender est le mot juste. Nora a une forme de dureté dans le travail et dans la vie – une dureté qui n’est qu’une carapace car, au fond, c’est une jeune femme très fragile. Je me suis approchée d’elle par petits bouts. J’ai essayé de la comprendre. Pour ce faire, j’ai écrit sur elle, tenté de la décrire, de la définir. J’aime beaucoup écrire.

    Connaissiez-vous le milieu de la finance ?

    Pas du tout, mais le cousin d’Agnès de Sacy, la coscénariste, dirige une société de fusion-acquisition. Il m’a fait passer pour son assistante afin que je puisse m’approcher de ce milieu qui m’est totalement inconnu et dont le vocabulaire même relève d’une langue étrangère. Il n’est pas toujours simple, pour une femme, de travailler dans la finance. C’est pourquoi Nora se blinde davantage.

    A qui avez-vous songé au moment d’incarner le personnage de Nora ?

    Nora n’est à sa place nulle part : ni dans la société financière qui l’emploie – et dont elle dénonce les procédés – ni dans son milieu familial dont elle se sent exclue. J’ai beaucoup pensé à Ingrid Bergman dans Les Enchaînés cachant sa fragilité derrière de l’humour et du cynisme ; ainsi qu’à la Katharine Hepburn d’Indiscrétions : dans le film de George Cukor, tout le monde la voit en femme froide, pseudovirginale, insaisissable et sarcastique alors qu’en réalité elle a autant envie que peur d’aimer. Et elle a par ailleurs des rapports très complexes avec son père – tout comme Nora.

    Agathe Bonitzer en cadre de la finance, au côté de Vincent Lacoste.

    C’est Jean-Pierre Bacri qui joue le père de Nora…

    Je l’adore ! Il avait déjà joué mon père dans Les Sentiments, de Noémie Lvovksy – j’avais alors 13 ans –, et nous avons fait trois films ensemble.

    …Et c’est votre père, Pascal Bonitzer qui réalise le film. Or l’un des thèmes est justement celui des relations père-fille…

    Tout était bizarre dès le début. J’avais déjà tourné avec lui, mais des petits rôles. Et puis, j’aimais le scénario, le personnage – même si au départ je ne devais pas jouer Nora, mais sa sœur. Pour moi, le support majeur est, et reste, le scénario. J’ai fait des études littéraires [un master de lettres modernes à La Sorbonne après une khâgne au lycée Victor-Hugo], et je peux parler plus facilement de littérature que de cinéma, même si ce dernier est mon élément naturel, familier, puisque j’ai baigné dedans…

    Vous avez toujours voulu être actrice ?

    Du plus loin que je me souvienne, quand, à l’école, il fallait inscrire sur les fiches ce que l’on souhaitait faire plus tard, j’écrivais « actrice » ou « écrivaine/ illustratrice de livres pour enfants » : j’ai dévoré tout le catalogue de L’Ecole des loisirs.

    La première fois que vous jouez, c’est dans un spot de lutte contre le sida réalisé par Benoît Jacquot. Vous aviez 4 ans. Quel rapport entretenez-vous à la caméra ?

    J’ai toujours adoré les objectifs, et la caméra est un truc qui me fascine : c’est comme un écran.

    Un écran ?

    Oui, avec la vie ; et qui permet d’avoir moins peur. Jouer éloigne de soi, c’est superlibérateur, on reprend les paroles écrites par quelqu’un d’autre. Ce qui est fragilisant dans le métier d’acteur, ce ne sont ni le tournage ni la mise à nu, mais tout le reste : l’après, les interviews par exemple (rires). Sans parler de se voir à l’image, un moment qui reste pour moi très douloureux. En tournage, je me sens protégée, j’ai envie que ça ne s’arrête jamais. J’aime refaire les prises, à la fois parce que j’aime quand la caméra tourne et parce que je suis exigeante. J’apprécie les aspects hypertechniques, les amorces, les axes de regard, le travail des nuances pour faire passer une émotion, une pensée…

    Agathe Bonitzer : « J’aime refaire les prises, à la fois parce que j’aime quand la caméra tourne et parce que je suis exigeante. »

    Quels sont vos projets ?

    Je reviens du Cambodge, où j’ai tourné Le Chemin, de Jeanne Labrune, pour lequel j’ai beaucoup relu Duras. A venir, il y a aussi La Papesse Jeanne,de Jean Breschand ; La Belle dormant,d’Adolfo Arrieta dans laquelle je joue la fée Gwendoline alors qu’Ingrid Caven campe la méchante fée. En attendant, je lis. Je viens de terminerMémoire de fille, d’Annie Ernaux ; Titus n’aimait pas Bérénice,de Nathalie Azoulai, et le dernier livre de Marie Darrieussecq,Etre ici est une splendeur, sur la femme et artiste allemande Paula Modersohn-Becker : j’ai aimé l’espèce de souffle qui s’en dégage, cette peintre expressionniste m’a touchée au cœur. Même si les circonstances de leur mort n’ont rien à voir, j’ai repensé à Hélène Berr, cette jeune Française juive morte dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, auteure d’un journal [éd. Tallandier, 2008, préface de Patrick Modiano], sur laquelle j’ai travaillé pour mon mémoire. Toutes deux tenaient leur journal, toutes deux sont mortes trop jeunes, au moment même où elles prenaient leur envol.

    Bande-annonce de « Tout de suite maintenant »

    « Tout de suite maintenant » (1 h 38), de Pascal Bonitzer. Avec Vincent Lacoste, Lambert Wilson, Isabelle Huppert, Jean-Pierre Bacri, Pascal Greggory, Julia Faure. En salles le 22 juin.

     
  • admin9596 8:05 am le July 5, 2016 Permaliens  

    La ministre de l’éducation, bête noire des conservateurs en Algérie 

    Nommée en 2014, Nouria Benghabrit a provoqué la colère en réformant le système éducatif algérien. Plusieurs députés réclament sa démission.

    La ministre de l’éducation nationale, Nouria Benghabrit, dans son bureau à Alger, le 9 mars 2015.

    Des dizaines d’arrestations, un fiasco scolaire et un scandale national.L’Algérie vient de connaître l’un des pires cas de triche au baccalauréat de son histoire. Début juin, plusieurs sujets des filières scientifiques, mathématiques et gestion ont fuité avant les épreuves et se sont retrouvés sur Facebook. Résultat : près de 300 000 élèves sur les quelque 800 000 candidats au bac vont devoirrepasser l’examen à partir du 19 juin.

    Lire aussi : Algérie : la ministre de l’éducation en difficulté après une triche au bac

    L’affaire est sérieuse : le premier ministre Abdelmalek Sellal l’a qualifiée d’« atteinte à la sécurité de l’Etat ». La brigade de cybercriminalité de la gendarmerie a saisi du matériel, des ordinateurs et interpellé plusieurs dizaines de personnes dont des enseignants et des membres de l’Office national des examens et concours. L’enquête se poursuit mais d’ores et déjà, une coupable a été pointée du doigt : Nouria Benghabrit-Remaoun, la ministre de l’éducation nationale. Plusieurs députés ont appelé à sa démission.

    Francophone et sociologue reconnue

    Mais la ministre tient bon. Comme elle le fait depuis deux ans face aux attaques régulières dont elle est la cible. A 64 ans, cette universitaire réputée est devenue la bête noire des conservateurs de tous poils en Algérie. Son CV, déjà, a de quoi déplaire à certains : femme, francophone et sociologue reconnue, elle a dirigé douze ans le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc).

    Nommée à la tête de l’éducation nationale en 2014, après la réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat, elle est, depuis, dans l’œil du cyclone pour avoir dénoncé les lacunes du système éducatif algérien. Une étude réalisée en 2013 par le ministère de l’éducation nationale montrait ainsi que seuls 4 % des enfants inscrits à l’école primaire finissent par décrocher le baccalauréat sans avoir redoublé. Pour remédier à cette faillite, celle que les syndicats surnomment la « dame de fer » s’est opposée à la réforme des programmes, à la formation des enseignants, aux rythmes scolaires. En mars, elle imposait l’obtention d’un concours comme préalable à la titularisation des enseignants contractuels dans la fonction publique. Dernièrement en visite dans le sud du pays, elle y a évoqué, entre autres, la possibilité de modifier le calendrier scolaire pour qu’il soit plus adapté aux chaleurs extrêmes certains mois de l’année.

    Insultée sur les réseaux sociaux

    Ses initiatives provoquent régulièrement des levées de boucliers. Islamistes et conservateurs ne lui pardonnent pas d’avoir lancé l’idée d’introduire à l’école primaire la darija – l’arabe dialectal utilisé en Algérie –, afin de lutter contre l’échec scolaire. Lors d’une conférence nationale sur l’éducation en août 2015, les participants, dont Nouria Benghabrit, avaient formulé une recommandation en ce sens, se fondant sur l’avis des experts. A l’heure actuelle, un enfant arrive à l’école à l’âge de 6 ans en parlant la darija, alors que l’enseignement des matières se fait en arabe classique. Selon de nombreux spécialistes, ce fossé crée de graves difficultés scolaires. Une partie des élèves finit par utiliser plusieurs langues (français, arabe, berbère), mais sans en maîtriser aucune parfaitement.

    L’idée est donc de permettre aux enseignants d’utiliser la langue maternelle des élèves pour faciliter l’apprentissage et s’assurer qu’ils acquièrent les savoirs de base. La recommandation n’a pas été adoptée, mais les conservateurs sont quand même montés au créneau, dénonçant une atteinte à la langue du Coran, l’arabe classique, et accusant la ministre d’attenter aux valeurs du pays.

    Entre appels à démissionner et insultes sur les réseaux sociaux, la campagne contre Mme Benghabrit avait été violente. Pour ses détracteurs, le scandale des fuites au baccalauréat qui vient de secouer le pays est une aubaine. Des députés ont à nouveau demandé à ce qu’elle soit démise de ses fonctions. Sans obtenir gain de cause. Le 12 juin, la présidence algérienne a annoncé un remaniement ministériel : de gros portefeuilles, dont l’énergie et les finances, ont changé de titulaires. La ministre de l’éducation est, elle, restée en place.

     
  • admin9596 9:01 pm le July 1, 2016 Permaliens  

    La deuxième révolution sexuelle des séries américaines 

    Aux Etats-Unis, les chaînes payantes ont longtemps utilisé le sexe pour recruter des abonnés. Aujourd’hui une nouvelle ère, marquée par le réalisme et la diversité, est en marche.

    Dans la série « Outlander », une femme bigame initie sexuellement un homme.

    « Un pays des merveilles obscène » : c’est ainsi qu’Emily Nussbaum, la critique de télévision du New Yorker, décrivait récemment le monde de la fiction audiovisuelle américaine. Le respectable magazine saluait en l’occurrence la deuxième saison de « Transparent », une série d’Amazon couverte de récompenses (deux Golden globes, cinq Emmy Awards). Elle raconte à la fois le « coming out » transgenre d’un professeur californien à la retraite et la vie sexuelle hyperactive de ses trois enfants trentenaires : l’aînée qui quitte son mari pour une femme, le benjamin qui collectionne les conquêtes et la cadette qui se cherche. Chaque épisode contient, comme le résume le guide parental du site de référence IMDb, « de multiples scènes de sexe, y compris bucco-génital, entre couples hétérosexuels et homosexuels » (quotient de nudité : 8 sur 10).

    La télé américaine ne pense qu’à ça

    Produite par le cinéaste Steven Soderbergh, « The Girlfriend Experience », la nouvelle série phare de la chaîne Starz, s’intéresse pour sa part « sans jugement » à la sexualité d’une étudiante en droit qui travaille comme escort girl de luxe après ses journées de stage dans un cabinet d’avocats. Depuis avril, la chaîne câblée diffuse également la deuxième saison d’« Outlander », une saga romantico-fantastique dont les scènes de sexe ont été saluées comme « révolutionnaires » par la blogosphère féministe. Moralité : la télé américaine ne pense qu’à ça.

    Lire aussi : Call girls et cow boys : deux séries à voir cette semaine

    Voilà bientôt vingt ans que les chaînes payantes utilisent le sexe pour appâter le chaland, elles qui échappent et à la censure de la Commission fédérale des communications (FCC), équivalent américain du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et aux desiderata des annonceurs.

    Rapports maladroits et ratés

    La révolution des séries d’auteur, emmenée par HBO avec « Les Soprano » à la fin des années 1990, promettait déjà jurons et nudité aux abonnés du câble. Mais le sexe que ces séries donnaient à voir est longtemps resté conforme aux clichés hollywoodiens les plus éculés, estime Maureen Ryan, la critique de télévision du magazine Variety. « Lumière dorée, dos cambrés, fixation sur le corps de la femme : sur la forme, les scènes de sexe étaient faites pour plaire aux hommes hétéros, explique-t-elle. Sur le fond, il y avait aussi cette idée que la sexualité féminine est dangereuse. A l’exception des héroïnes de “Sex and the City”, les femmes un peu trop libérées finissaient par le payer, comme dans ces films d’horreur où la fille sexy est toujours la première à y passer. »

    La reprise en main de leur sexualité par de jeunes New-Yorkaises dans « Girls ».

    Tout change en 2012 avec « Girls », la série de la jeune new-yorkaise Lena Dunham (26 ans à l’époque) sur les mœurs des enfants du millénaire. Pour la première fois, des protagonistes aux corps imparfaits ont des rapports sexuels, souvent maladroits et parfois ratés – bref, plausibles – à la télévision. Depuis, le paysage audiovisuel américain vit une deuxième révolution sexuelle, marquée par le réalisme et la diversité.

    Tous les coups sont permis

    Tous les coups sont permis : entre femmes (« Orange is the New Black »), entre hommes (« How to Get Away with Murder »), à trois (« House of Cards »), en groupe (« American Horror Story »), en position du 69 (« The Americans »), pour la science (« Masters of Sex »), au moyen d’un gode-ceinture (« Broad City »), avec ou sans consentement (« Game of Thrones »). Ces scènes de sexe sont parfois drôles, souvent dérangeantes, comme les ébats conjugaux ratés de « Togetherness » (HBO), ou la fameuse scène de la baignoire de « Transparent », qui culmine avec l’orgasme d’une septuagénaire. L’objectif n’est plus seulement de faire fantasmer.

    Le quotidien d’une étudiante en droit qui s’improvise escort girl dans « The Girlfriend Experience ».

    La grande gagnante de ce changement d’époque est la sexualité féminine. Ilana Glazer et Abbi Jacobson, les deux jeunes créatrices de la série « Broad City », sur Comedy Central, se targuent de truffer leurs scénarios de scènes de cunnilingus. « Nous sommes très conscientes de la surreprésentation statistique des fellations dans les médias et nous essayons de changer ça », ont-elles expliqué, en mars, au micro du chroniqueur Dan Savage.

    Le tabou du phallus n’est pas encore tombé

    « Outlander » (disponible en France sur Netflix) est une autre série qui à mis en vedette cette pratique érotique dès son premier épisode. En voyage avec son mari au sortir de la seconde guerre mondiale, l’héroïne, assise sur une table, met celui-ci à genoux entre ses cuisses écartées. Peu après, cette infirmière militaire se retrouve transportée dans l’Ecosse de 1743, où elle survit en épousant un highlander baraqué.

    L’épisode de leur mariage, vu par plus de cinq millions d’Américains, montre longuement l’initiation sexuelle exemplaire que cette jouisseuse désormais bigame offre à son jeune et vierge mari. « L’héroïne n’est pas jugée, mais au contraire reconnue, pour ses désirs et son expérience, commente Maureen Ryan. Cet épisode renverse aussi le sempiternel regard mâle pour s’attarder sur le corps du personnage masculin. C’est un tournant radical. » On ne voit cependant jamais le héros de cette nuit de noces en nu intégral. Sur le petit écran, le tabou du phallus n’est pas encore tombé.

    Bande-annonce de la série « Girls »

     
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