La vespa “non grata” à Gênes
Dans la municipalité italienne qui détient le record national du nombre de scooters, l’interdiction à la circulation des deux-roues trop polluants entraîne la colère des vespistes.
L’intention est louable, mais l’opportunité est, d’un point de vue politique, peut-être mal choisie. La municipalité de Gênes (Ligurie), dirigée par le maire Marco Doria (gauche), a profité des derniers jours de 2015 pour publier une directive interdisant la circulation, de 7 à 19 heures, des scooters aux normes européennes d’émission Euro 0 dans une grande partie de la ville portuaire. Construits avant 1999, ces deux-roues sont désormais considérés comme trop polluants. La mesure devait être mise en œuvre le 1er février.
La révolte, encouragée par les politiques
« Quoi ? » se sont étranglés environ 20 000 propriétaires qui devront, pour respecter la loi, circuler la nuit, s’acheter un scooter plus récent, opter pour un autre moyen de transport ou… marcher. Changer de scooter alors qu’il pète encore le feu et conduit partout en zigzaguant dans les embouteillages ? La révolte n’a pas été longue a gronder, encouragée par à peu près tous les partis politiques, de Fratelli d’Italia (postfasciste) au Parti Démocrate (centre gauche). Même dans l’équipe du maire, certains sont gagnés par le doute.
A Gênes, en effet, le deux-roues n’est pas un simple véhicule : c’est une part de l’identité de la ville. On y répertorie 180 000 scooters pour 600 000 habitants, un record en Italie. Parallèlement (et conséquemment), la cité est aussi celle qui compte le moins de voitures
(486 véhicules pour 1 000 habitants, contre 608 pour 1 000 dans le reste de la Péninsule), après Venise évidemment.
De plus, c’est ici que fut produit, en 1946, le premier modèle de Vespa conçu par l’entrepreneur Enrico Piaggio. Un soixantième anniversaire qui aurait gagné à être fêté plus dignement, fait remarquer une association de scootéristes génois.
Confisquer sa Vespa, même polluante, à un Italien, peut s’avérer une entreprise difficile. Pour un Génois, c’est presque impossible. « C’est comme nous priver de la mer, du vent, des couchers de soleil, du sirocco, de la Sampdoria et du Genoa [les deux clubs de football de la ville], écrit Francesco Cevasco dans le quotidien Il Corriere Della Sera du 15 janvier. La Vespa c’est la pensée en mouvement, c’est notre éducation sentimentale. Sans Vespa, pas de Gregory Peck et d’Audrey Hepburn dans Vacances romaines. Ceux qui polluent ne sont pas les propriétaires de Vespa, mais les conducteurs de voiture tout-terrain garée en triple file. Prenez garde, la Vespa [en français, la guêpe] pique quand elle est en colère. »
Elle pique et s’organise. Un essaim de « vespistes » a lancé avec succès le hashtag #lamia vespanonsitocca (« Touche pas ma Vespa »). « La Vespa est née à Gênes et elle meurt à Gênes », ne craignent pas de proclamer les propriétaires de ces quasi-antiquités, bien décidés à ne pas céder à la loi.
L’adjoint à l’environnement reçoit des centaines de courriels pour qu’il renonce à son interdiction. « J’ai eu moi-même un engin de ce type, rétorque-t-il dans la presse italienne. Elle polluait et la santé publique est quelque chose qui a son importance. » En attendant, prudemment, l’application de la directive de la municipalité a été repoussée au 1er avril.
#lamiavespanonsitocca#nessunotocchilavespa al peggio non c’è mai fine Con 1 l benzina 50 km @matteorenzi pensaci tu pic.twitter.com/c2tccuyMvN
— Luisanna Messeri (@luisannamesseri) 15 Janvier 2016
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