Ce blogueur provocateur qui a pris le “New York Times” pour cible
Le Monde | 14.12.2015 à 14h38 |Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Erick Erickson a tiré avec un 9 mn sur l’éditorial qui militait pour une limitation des armes à feu publié par le quotidien après la fusillade de San Bernardino. Il entendait défendre le deuxième amendement de la Constitution américaine.
Dans la Constitution des Etats-Unis, la liberté d’expression arrive juste avant celle de pouvoir posséder une arme. Toucher à la seconde peut cependant parfois conduire à s’attaquer à la première. C’est en tout cas ce qu’illustre la très subtile réaction d’un blogueur conservateur, Erick Erickson, actuel rédacteur en chef du site RedState, à la lecture d’un éditorial du New York Times en faveur d’une limitation de l’accès aux armes. Le texte avait été publié après la fusillade meurtrière de San Bernardino, le 2 décembre en Californie, et une semaine après une attaque contre un centre du Planning familial dans le Colorado.
Symboliquement, pour la première fois depuis 1920, le quotidien new-yorkais a publié cet éditorial à la « une » de son édition du 5 décembre, sous le titre « L’épidémie des armes ». Tout aussi symboliquement, Erick Erickson a procédé à son exécution en tirant à sept reprises avec un 9 mm sur l’article incriminé.
Sur la chaîne conservatrice Fox News qui l’accueille régulièrement, le vaillant tireur d’élite s’est vanté le 7 décembre de n’avoir même pas eu à acheter l’exemplaire utilisé. Il lui a été donné, a-t-il assuré, par un vendeur subjugué par cette idée à la fois courageuse et inspirée. « Quel veinard », a commenté, admiratif, Steve Doocy, l’un des trois animateurs de l’émission matinale « Fox & Friends ».
Que reproche Erick Erickson au New York Times ? Sans doute la phrase rappelant qu’« aucun droit n’est illimité » et ne peut échapper à « une réglementation raisonnable ». Loin de s’attaquer au principe de la possession d’une arme, l’éditorial se contente en effet de souhaiter que les fusils d’assaut et les munitions afférentes soient interdits de vente aux particuliers. Il ne vise nullement le pistolet automatique dont le blogueur s’est saisi pour régler son compte au journal.
Il s’excuse… de ne pas avoir eu cette idée plus tôt
La profession de foi d’Erick Erickson lui a valu une volée de critiques, mais aussi des soutiens, qui ont rivalisé en vulgarité dans le traitement envisagé pour l’éditorial incriminé. Fier de son fait d’armes et tout à sa joie d’avoir heurté, le conservateur s’est excusé… de ne pas avoir eu cette idée plus tôt.
Le lendemain, il s’est efforcé de démontrer que le président Barack Obama, loin de se préoccuper de la lutte contre le terrorisme, profitait en fait des circonstances pour s’attaquer au deuxième amendement de conserve avec « la gauche », c’est-à-dire le New York Times. Le droit à posséder une arme est tellement menacé, il est vrai, que ce marché florissant disposera en janvier 2016 d’une chaîne de télévision spécifique. Son nom ? Gun TV.
- Gilles Paris (Washington, correspondant)
Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste