Fonctionnaire, l’emploi rêvé des Italiens
Mille candidats pour un poste d’infirmier, 10 000 pour 14 emplois de policiers… En Italie, trouver un poste fixe est un rêve quasiment inaccessible. Une série photographique en témoigne, montrant l’incroyable affluence aux concours de la fonction publique.
« Il posto fisso è sacro » (un poste fixe est sacré) : cette réplique du film de Gennaro Nunziante, Quo Vado ?, mettant en scène les mille et un stratagèmes d’un petit fonctionnaire des Pouilles pour garder son emploi et ses avantages, est devenue culte. Sorti le 1er janvier, ce long-métrage a battu tous les records italiens, détrônant Avatar de sa première place.
A voir les photos de Michele Borzoni, on comprend mieux pourquoi. Ce n’est plus le rire qui l’emporte à la vue de ces gymnases, de ces palais des sports bondés de candidats pour un concours d’entrée dans la fonction publique nationale ou territoriale, mais l’effarement. Un exemple : 4 800 personnes se sont inscrites à l’épreuve de sélection pour un seul emploi d’infirmier ou d’infirmière dans un hôpital public de Vérone (Vénétie). Chacune d’elles a déboursé 5 euros, de quoi permettre aux organisateurs de louer le Palaolimpia, la salle de sport où se produisent habituellement les équipes de volley et de basket locales, et d’engranger un petit bénéfice.
Des amitiés nouées
Le reporter du quotidien La Repubblica, qui racontait cet événement dans l’édition du 2 mars, décrit des candidats qui en sont parfois à leur dixième tentative, des parents accompagnant un garçon ou une fille, des couples qui viennent avec leurs enfants. Certains ont fini par nouer des relations d’amitié à force de se croiser, du nord au sud de la Botte, à la recherche du fameux posto fisso.
« Cela reste un horizon pour la classe moyenne italienne, raconte Michele Borzoni. Le CDI dans la fonction publique était synonyme de tranquillité et de sécurité. Grâce à cela, on pouvait envisager de se caser, de quitter ses parents et de fonder une famille. Mais depuis les réformes du premier ministre Matteo Renzi, l’assouplissement du marché du travail et l’austérité, ce rêve est devenu presque inaccessible. Ce qui m’a fasciné dans ce sujet, c’est de voir comment des lieux habituellement consacrés aux loisirs peuvent se transformer en espaces de travail ou, plutôt, de recherche d’un travail. »
Seule perspective dans le sud
Situé aux alentours de 12 % de la population active, le chômage touche plus particulièrement les jeunes et, parmi eux, ceux du sud de l’Italie où le taux de sans-emploi atteint près de 40 %. Moins industrialisées, les régions méridionales n’ont rien d’autre à offrir qu’un poste de fonctionnaire. L’éducation nationale compte d’ailleurs un gros contingent d’enseignants originaires du sud de l’Italie.
Ces images sont extraites d’un travail au long cours de Michele Borzoni consacré à la crise du travail. Il enquête également sur les mises aux enchères d’entreprises en faillite, sur le travail au noir dans les ateliers textiles chinois de Prato (Toscane), sur les braccianti, ces immigrés ramasseurs de tomates et d’oranges en Calabre pour un salaire journalier de misère, et sur les sociétés d’e-commerce où tout est géré par ordinateur. Autant de lieux où le posto fisso n’a jamais existé, pas même en rêve.
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En avril 2014, 14 emplois de policier sont à pourvoir à Milan, et plus de 10 000 candidats s’affrontent durant l’examen qui se tient au Mediolanum Forum, dans la banlieue de la capitale lombarde.
Michele Borzoni
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