Oscar du meilleur réalisateur : Alejandro Iñárritu, cinéaste exalté
[Article publié dans “M Le magazine du Monde” samedi 20 février 2016.]
Leonardo DiCaprio est mort. Quand Alejandro Iñárritu a signé l’acte de décès de son comédien sur le plateau de The Revenant (en salles depuis le 24 février), il savait qu’il venait d’accomplir une chose hors du commun. Le masochisme de l’acteur fétiche de Martin Scorsese – celui qui, avec Marlon Brando, aura manifesté la plus forte aptitude, dans l’histoire du cinéma américain, à se faire piétiner, humilier, battre, cracher dessus et défigurer – attirait le réalisateur mexicain.
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Mais il voulait d’un masochisme qui ne soit plus un travers, davantage un trait de personnalité à exploiter. Il fallait donc aller plus loin : tuer DiCaprio et montrer cette mise à mort à l’écran. Lorsque Iñárritu a filmé l’acteur, en gros plan, les cheveux hirsutes, les yeux bleus exorbités, la barbe vérolée par des filaments de glace, les vaisseaux sanguins des joues éclatés par le froid polaire, ni tout à fait mort, déjà plus vivant, « à la fois animal, martyr, saint et esprit », Alejandro Iñárritu savait qu’il était parvenu à fixer un moment à part. Dont se souviendrait peut-être le spectateur. Et qui resterait, à coup sûr, le fait d’armes du cinéaste.
Déjà, dans son deuxième film, 21 grammes (2003), Alejandro Iñárritu s’intéressait à la mort. A cet intervalle. Quand un homme n’est plus tout à fait vivant, pas encore mort, lorsque les 21 grammes, poids supposé de son âme, s’envolent, et que seule demeure cette élévation à filmer. Le réalisateur mexicain pourrait l’attester. Sur ce gros plan, Leonardo DiCaprio pèse seulement 21 grammes. Il a perdu son enveloppe corporelle, s’étiole sous nos yeux, juste avant son dernier souffle. « C’est le moment où mon film peut commencer », ajoute Alejandro Iñárritu.
Ce meurtre répondait à un contrat tacite. « Je lui avais expliqué avant le tournage : “Léo, nous allons tourner au Canada par moins 40 degrés. Tu connais la phrase d’Ernest Shackleton, le pionnier de l’exploration en Antarctique, à son équipe avant sa traversée du Pôle :“A partir d’ici, nous n’allons sans doute plus jamais pouvoir revenir chez nous.” Le froid reste une donnée secondaire, l’affronter n’est pas seulement une question d’équipement, mais un état d’esprit à adopter. Tu l’adoptes ou tu meurs. Et même si tu l’adoptes, tu peux mourir. Si tu viens, il n’y aura plus de retour en arrière possible.” » Il est venu.
Alejandro Iñárritu se souvient des yeux de DiCaprio. Il recrute toujours ses comédiens – Sean Penn dans 21 grammes, Brad Pitt dans Babel (2006), Javier Bardem dans Biutiful (2010), Michael Keaton dansBirdman (2014) – sur la foi de leurs pupilles. Lorsque le fond d’œil décèle un épuisement, une lassitude, l’expression d’une quelconque mélancolie, le réalisateur reconnaît la perle rare. « Les yeux présagent de tout, c’est une porte d’entrée. Je regarde leur forme, leur couleur, le ton du blanc qui entoure l’iris… Le reste m’intéresse moins. Je voyais bien ce que les yeux de DiCaprio me promettaient : une totale soumission. »
La propension du comédien aux expériences limites, son indifférence devant la vie ou devant la mort à partir de l’instant où il a décidé de laisser son destin entre les mains de son metteur en scène, en faisait le candidat idéal pour ce rôle de trappeur, dans le Dakota du Nord, pendant l’hiver 1823, attaqué par un ours, grièvement blessé, abandonné par ses compagnons, témoin de la mort de son fils et lancé à la recherche de ceux qui l’ont enterré vivant.
Alejandro Gonzáles Iñárritu en est resté à un souvenir d’enfance, à la poursuite duquel il se trouve encore. Il fait nuit, le futur réalisateur a les yeux ouverts, allongé sur son lit, en quête d’un sommeil rendu impossible par les ronflements de son père. Pour certains, le sifflement resterait un simple bruit. Pour Iñárritu, c’est différent. Le bruit se métamorphose en crissements. Un râle sourd, ou plutôt un cri sans voix, insupportable à entendre. Alors il se lève. Ouvre la porte de la chambre à coucher parentale. Et s’approche de son père. Soudain, il a peur. Pas parce qu’il a violé l’intimité de ses parents. Mais parce qu’il prend conscience, en regardant son père, que tout peut s’arrêter. Que les individus naissent, vivent et disparaissent. « La mort est devenue intelligible pour la première fois. A partir de ce jour, ou plutôt de cette nuit, elle ne m’a plus lâché. » Cette scène vécue revient parfois. En rêve désormais. Un territoire où le réalisateur se sent plus à l’aise. Il revoit le corps endormi de son père. Ressent toujours cette même frayeur. En parle avec sa fille, qui traverse parfois un rêve comparable. La crainte de l’un nourrit alors celle de l’autre.
Sur le terreau de cette peur infantile ont surgi des questions. Il y a d’abord eu les angoisses d’adolescent chez le réalisateur, nourries par les lectures studieuses de Camus et de Sartre. Y a-t-il un grand voile noir une fois les yeux fermés à jamais ? Ou alors une voie à suivre, une lumière à regarder ? L’existentialisme mettait son catholicisme à l’épreuve avec, pour conséquence, un rapport plus distant avec l’Eglise. Depuis, sa foi s’est affirmée, raffermie, tout en s’étant détachée de la religion. Il médite tous les jours. Fâché avec son catholicisme, sans jamais rompre le dialogue avec lui.
Dans The Revenant, le trappeur incarné par DiCaprio pénètre dans une église en ruine, dont les inscriptions et les motifs sont en partie effacés. L’acteur y pose ses doigts, retire la poussière et le gel des peintures pour y trouver les traces d’une croyance qui l’éblouit et le dépasse. Avec ces icônes mises à nu, Iñárritu souligne les travers d’un monde moderne né avec la révolution industrielle et les débuts du capitalisme. « On vous regarde comme un simple d’esprit aujourd’hui quand vous êtes croyant. Le romancier américain David Foster Wallace expliquait que le second degré irrigue les veines de la pop culture. L’ironie détruit notre culture. Tout ce qui n’est pas prouvé scientifiquement, tout ce qui relève de la foi devient ésotérique et débile. C’est navrant. »
Le réalisateur voulait aussi que son personnage, confronté à ces icônes, prenne conscience d’être un tout petit point dans l’éternité. Une vérité élémentaire, souvenir d’une leçon suivie, enfant, par le réalisateur en classe de théologie, où la brièveté d’une vie humaine était mise en perspective avec l’âge de la Terre. Sur le moment, l’écart entre le zéro et l’infini l’a soulagé. C’était l’assurance de mener son existence avec distance. « C’est comme si vous vous trouviez exonéré de toute responsabilité. Penser l’éternité vous permet de relativiser vos complexes, vos obsessions. Vous n’êtes rien, c’est confortable. »
Ce confort n’a pas survécu à l’âge adulte. Les mêmes questions l’ont poursuivi. Avec une intensité autre, pour des résonances plus dramatiques. La mort, autrefois un principe, une peur, un horizon et une abstraction, est devenue une réalité. Quand il a perdu, il y a dix ans, son fils, deux jours après sa naissance, à la suite de complications médicales, Alejandro Iñárritu a cherché à comprendre. Il voulait parler aux docteurs. Puis, une fois la discussion close, les tuer.
« J’avais le sentiment qu’on m’avait caché des choses, il aurait été possible de m’avertir, de me tenir au courant. Tout n’avait pas été mis en œuvre pour prévenir cette tragédie. » Il a voulu se venger, échafaudé des plans, pour mettre en accord ses actes avec cette pulsion. « C’était dur », explique-t-il. Le réalisateur répète l’adjectif à l’infini, comme si un seul mot suffisait à définir ce drame. « J’ai fini par comprendre que rien ne ramènerait cet enfant à la vie. Cela a été un processus long et difficile. Je devais apprendre à mettre cela derrière moi, à aller de l’avant, sinon j’allais devenir dingue. »
Le réalisateur a dédié 21 grammes à son épouse, Maria Eladia, par une phrase figurant au générique du film en espagnol et qui fait allusion à l’enfant : « Pues cuando ardio la perdida, reverdecieron sus maizales », [littéralement : « Puis, lorsque la perte fut consumée, le champ de maïs a reverdi »]. Le couple incarné par Brad Pitt et Cate Blanchett dans Babel est, entre autres choses, lié par la mort d’un enfant peu après la naissance. « J’avais, avant cette tragédie, un point de vue assez précis sur la vie. Elle ressemblait à un long plan de Steadicam, avec la fluidité de cette caméra que l’on déplace si facilement. Dès que nous ouvrons les yeux le matin jusqu’au soir, nous traversons notre quotidien dans une totale continuité. Mais quand vous les fermez, même très brièvement, vous entrez dans une autre dimension qui est celle de la mémoire, justement pour compenser cette information que vous ne vous êtes pas procurée. Après ce drame, et à partir de 21 grammes, mon cinéma s’est installé dans cette dimension du souvenir. Je répète souvent que la mémoire ne consiste pas seulement à reconstituer les choses, elle vous permet de combler ce qui a échappé à votre regard. »
Depuis la mort de son fils, une même image revient dans le cinéma d’Iñárritu. Celle d’une forêt aux arbres gigantesques, toujours filmée en contre-plongée. Dans 21 grammes, le professeur de mathématiques incarné par Sean Penn, qui doit la vie à une transplantation cardiaque, est régulièrement traversé par cette image. Cette même forêt obsède Javier Bardem, le père de famille vivant de trafics illégaux dans Biutiful, doué aussi d’un talent de médium, capable de communiquer avec les personnes qui viennent de mourir. Leonardo DiCaprio traverse encore cette même forêt dans The Revenant. Au fur et à mesure que la mémoire de son enfant mort se précise, les arbres de cette forêt se multiplient. « Cette image m’obsède. Elle est celle d’un sanctuaire, où j’ai décidé à un moment de ma vie de m’installer. »
Le réalisateur mexicain serait bien en peine d’expliquer sa signification. Mais il continue de la filmer pour y retourner. C’est un lieu investi et revisité, le territoire improbable, inconnu des cartes, sur lequel il s’épanouit. L’idée qu’il pourrait ne plus jamais se sentir chez lui, que ce soit dans son pays natal, le Mexique, ou dans son pays d’adoption, les Etats-Unis, n’y est sans doute pas étrangère. Elle l’a frappé dès le tournage d’Amours chiennes, qui reste, avec Reservoir Dogs de Quentin Tarantino, le premier film le plus impressionnant des années 1990-2000. Ce film, Iñárritu n’avait pas d’autre choix que de le réussir. La pression imposée tenait à sa vocation tardive dans le cinéma : « Je répète souvent que je suis un DJ raté qui s’est reconverti dans le cinéma. J’ai merdé dans ma vie. J’ai traîné, j’ai perdu du temps. »
Il a voyagé plus d’un an sur un bateau, à la fin de l’adolescence, avec les 1 000 dollars donnés par son père. Rarement 1 000 dollars furent mieux investis. Il est apparu très tardivement que les lieux où se déroulaient 21 grammes, Babel et Biutiful – Memphis dans le Tennessee, le désert marocain et Barcelone – correspondaient à ceux visités lors de ce voyage initiatique.
Il a donc pris son temps sur Amours chiennes, travaillé sur plus d’une trentaine de versions de scénarios du film pour mettre au point sa géométrie particulière – trois histoires d’amour entre un homme ou une femme et un chien, dont le point d’intersection se trouve être un accident de voiture. Et trois ans d’écriture avec le romancier Guillermo Arriaga, qui signera ensuite les scénarios de 21 grammes et Babel.
« Amours chiennes, ce sont trois histoires mises en scène dans le contexte d’une guerre civile que traverse Mexico. Il y a une beauté intime et cachée dans cette ville, mais elle reste un champ de bataille. » Une ville où, selon lui, s’affrontent le Bien et le Mal, pour assister au triomphe du premier. « Je suis catholique, ne l’oubliez jamais. Chaque plan dans ce film correspond à un choix moral tant Mexico vous confronte, dans le même souffle, au Bien et au Mal. J’en avais assez de voir les Américains regarder le Mexique comme un fast-food. Ils ne comprennent rien à l’Amérique latine. Je voulais qu’ils voient ma ville autrement. Je viens d’une tradition proche des peintres muralistes José Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiros, dont les fresques mettent en scène le Jugement dernier ou la révolution mexicaine. Notre culture mélange des thèmes cosmiques, politiques, sociaux et religieux exposés sur des murs, devenus une gigantesque toile aux couleurs vives. Amours chiennes était conçu ainsi, à la manière d’un triptyque mural. »
Quand il a effectué les repérages pour les combats de chiens qui resteront une des signatures du film, Iñárritu et son équipe ont été victimes d’un gang, un pistolet sur la tempe. Les bureaux de la production du film étaient sous surveillance policière jour et nuit et il fallait au réalisateur un chauffeur garde du corps pour se déplacer. Monter dans un taxi était impossible. « Il ne faut jamais prendre un véhicule à l’improviste à Mexico. Il est hors de question de faire confiance à un chauffeur de taxi. Il y a toutes les chances qu’il vous tue. »
Peu après la sortie d’Amours chiennes, les parents d’Alejandro Iñárritu furent, à quelques jours d’intervalle, violemment agressés. Sa mère est battue à mort, la mâchoire fracassée. Son père est kidnappé une journée, passant six heures dans le coffre d’une voiture. « Tout cela pour lui faucher 5 000 pesos, soupire Iñárritu, l’équivalent de 50 dollars. C’est le prix d’une vie chez moi. » L’exil, qui était auparavant une option, devient alors une nécessité. Il quitte donc Mexico en 2001 et doit répondre à cette question : va-t-il vendre son âme chez le voisin américain pour connaître le sort dévolu aux cinéastes expatriés à Hollywood depuis les années 1990, devenus de simples employés, et plus jamais des artistes ? « Il m’est apparu qu’un Mexicain n’avait aucun besoin d’aller à Hollywood vendre son âme au diable, il a largement de quoi la perdre chez lui. Je pense même l’inverse. Sergueï Eisenstein s’est perdu chez nous avec Que Viva Mexico ! Le Mexique n’est pas pour tout le monde. Quand vous avez survécu à ce pays, vous pouvez survivre à tout. »
Aujourd’hui Alejandro Iñárritu est le plus illustre représentant d’une colonie mexicaine installée depuis les années 2000 à Hollywood. C’est désormais là-bas la seule minorité étrangère organisée, vraiment solidaire, qui possède une réelle force d’influence. « Ce qui nous distingue, revendique Iñárritu, est notre peau mate. Nous disposons d’une liberté artistique acquise avec les dents dans un pays où nos compatriotes ne sont pas les bienvenus. »
Avec le réalisateur de The Revenant, on compte Alfonso Cuarón, le metteur en scène de Children of Men et de Gravity, Guillermo del Toro, celui du Labyrinthe de Pan et de Pacific Rim, ainsi qu’Emmanuel Lubezki, le directeur de la photo attitré d’Iñárritu, de Terrence Malick, d’Alfonso Cuarón et de Michael Mann. « J’ai rencontré Iñárritu à l’époque d’Amours chiennes, se souvient Guillermo del Toro. J’avais reçu une cassette du film. Je suis tombé amoureux du film, même si c’était trop long. Il fallait faire quelque chose. Je lui ai proposé de venir à Mexico sur le champ, même si cela signifiait dormir sur son canapé, je voyais tellement comment il serait possible d’améliorer le film en quelques jours ! »
Depuis, les deux cinéastes regardent toujours le premier bout à bout des rushes de leurs films respectifs. L’exil imposé, en raison de la violence au Mexique, a aussi cimenté leurs relations. Le père de Guillermo del Toro, cadre dans l’industrieautomobile, avait été kidnappé pendant plus de deux mois. La police mexicaine lui avait proposé, contre 5 000 dollars, de leur livrer les ravisseurs attachés à une chaîne avec la possibilité de rester seul avec eux et une batte de base-ball. Pour le double de cette somme, la police garantissait l’élimination des kidnappeurs, des Polaroid des cadavres faisant foi.
Alejandro Iñárritu a essayé, sans succès, depuis son arrivée aux Etats-Unis, de composer avec la culture américaine. Et notamment la culture du plastique. Le principe des assiettes et des couverts jetables que ses collègues de travail mettaient à la poubelle après un déjeuner pris chacun dans son coin lui apparaissait d’une sauvagerie ultime. Un manque de goût, et la marque d’un désintérêt pour l’humain. Déjeuner signifie, aux yeux du réalisateur, sortir ses couverts en argent, prendre son temps, discuter, échanger. « La sobremesa, ce moment où l’on prend son café dans la joie et la bonne humeur, me manque tant. A la fin de votre repas, vous prenez au moins autant de temps pour le déguster – ça ou un digestif. On peut sortir aussi une cigarette ou un cigare, la parole se libère. C’est un moment si agréable. Et civilisé… » Ce temps perdu lui manque. Ces moments justement où l’on raconte sa vie à des inconnus, entretenant une proximité qui pourrait un jour devenir intimité.
Il a aussi appris à regarder avec circonspection la culture de la réussite, emblématique de son nouveau pays. Réussir reste, encore aujourd’hui, même après l’Oscar du meilleur film reçu pour Birdman et les récompenses (Golde Globe et prix du meilleur film par la Director’s Guild Association) pour The Revenant, une perspective problématique. Il a vu son père banquier devenir riche et tout perdre quelques mois plus tard à la suite d’investissements hasardeux. Le réalisateur mexicain n’arrive pas à se souvenir de l’avoir entendu pleurer, se plaindre ou maudire le destin. De l’échec, il a retenu une leçon : le succès est un fruit pourri, rarement la recette du bonheur. « Mon père me répétait sans cesse : “Si tu rencontres le succès, goûte-le et recrache-le tout de suite après. C’est du poison.” »
S’est donc toujours posée la question de ce qu’il possédait pour de bon, pas de l’argent ou de la reconnaissance, mais un bien exclusif dont personne ne pourrait le spolier. Le milliardaire Donald Trump, l’un des candidats républicains à la Maison Blanche, lui apparaît par exemple comme un individu démuni, puisqu’il ne possède que de l’argent. Pour le réalisateur, c’est différent. Il possède ses couverts en argent et sait engager une conversation : « Lorsque deux individus échangent un mot, puis deux, tout devient possible. »
Il est heureux d’être parvenu à persuader Leonardo DiCaprio de renoncer à tout confort. The Revenant n’est pas seulement une aventure menée à bien, dans des conditions extrêmes, où l’acteur se fait déchiqueter par un grizzli, mange un poisson vivant et le foie d’un bison, ouvre les entrailles d’un cheval, le vide de ses organes pour se lover à l’intérieur à la recherche d’une chaleur introuvable ailleurs. C’était une intimité partagée entre deux individus, lui et son comédien. Une expérience partagée, dans des assiettes en plastique, une fois n’est pas coutume. « Je n’arrêtais pas de répéter à Leonardo : “Regarde cet alignement d’arbres dans la forêt, nous avons tellement perdu l’habitude de les observer qu’il pourrait presque s’agir d’un paysage de science-fiction.” Je l’ai vu ramper, défaillir, s’éteindre sous mes yeux, mais je lui ai toujours répété la même chose : “Toi au moins, tu es vivant.” »
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