Présidentielle 2017 : cinq choses à savoir sur le financement de la campagne
Le financement des campagnes électorales est un sujet sensible. Récemment, le candidat d’En Marche! Emmanuel Macron a été attaqué par le candidat PS Benoît Hamon sur l’origine des financements de sa campagne. L’ancien ministre de l’Economie s’était défendu en expliquant que son financement dépendait, en « grande partie, des dons de 32.000 personnes » avec « un montant moyen de 50 euros ».
Du côté du FN, le proche de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon, en charge de la communication, a été mis en examen en février dernier dans le cadre de l’enquête sur le financement des campagnes électorales du parti frontiste en 2014 et 2015. La justice soupçonne le parti d’extrême droite d’avoir mis en place une escroquerie, au préjudice des finances publiques, par le biais de kits de campagne surfacturés aux candidats.
Entre les meetings, les déplacements et l’impression des tracts, les dépenses de chaque candidat peuvent atteindre, pour certains, des sommets. Pour éviter des abus et de possibles dérapages, des règles et un encadrement du financement des campagnes électorales ont été mis en place depuis la fin des années 80, à la suite de l’éclatement d’une série de scandales comme les affaires Urba ou Générale des eaux.
1- Un financement privé très encadré et limité
Pour financer leurs dépenses, les candidats peuvent faire appel à quatre types de ressources privées :
- les dons de personnes physiques. Ces derniers ne peuvent excéder 4.600 euros par personne et pour l’ensemble de l’élection présidentielle. En espèces, les dons ne peuvent pas excéder 150 euros par donateur ;
- les contributions des partis ou des groupements politiques comme les micro-partis. Il n’y pas de limitation financière hormis le plafond légal. François Fillon a d’ailleurs été critiqué, il y a quelques semaines, pour avoir siphonné les dons des militants républicains, en faveur de son micro parti personnel Force républicaine alors que la campagne des primaires républicaines était finie depuis plusieurs mois. De même que le micro-parti de Marine Le Pen, Jeanne, qui existe depuis 2010, est actuellement visé par un redressement fiscal ;
- les recettes issues d’opérations commerciales comme la vente d’objets, de vêtements faisant la promotion du candidat ;
- les ressources personnelles du candidat. Celui-ci peut passer par un prêt contracté auprès d’une banque comme le font parfois certains candidats, non sans difficultés : Marine Le Pen ou Emmanuel Macron. Les établissements bancaires accordent plus facilement de prêts s’ils savent que le seuil des 5% sera atteint ou dépassé.
Depuis 1995, les entreprises, associations et collectivités ne peuvent plus participer au financement des campagnes électorales.
2- Le financement public
L’Etat prend en charge une partie des dépenses des candidats. Ces dépenses ne sont pas comprises dans les comptes de campagne. Elle prennent en compte :
- les dépenses relatives aux communications officielles sur les radios et télés ;
- les frais de mise sous pli et d’acheminement aux électeurs des enveloppes de propagande ;
- les frais d’impression et envoi des bulletins de vote aux mairies.
L’Etat peut aussi rembourser directement les candidats lorsque ces derniers font appel aux entreprises de leur choix. Il faut néanmoins remplir certaines conditions. Les remboursements peuvent concerner :
- les frais d’impression des déclarations et des affiches électorales ;
- les frais de transports des lieux d’impression aux lieux de mises sous pli ou d’apposition ;
- les frais d’apposition des affiches électorales.
Par ailleurs, plusieurs lois encadrent le financement public des campagnes et prévoit un remboursement des frais, en fonction du résultat électoral obtenu :
- Pour les candidats qui ont obtenu moins de 5% des suffrages, le remboursement des frais s’élève au maximum à 4,75% du montant du plafond des dépenses électorales fixé pour le premier tour, soit 800.423 euros. Ce qui n’est pas négligeable pour certaines forces politiques.
- Pour les candidats qui ont obtenu plus de 5% des suffrages, le remboursement des frais s’élève au maximum à 47,5% du montant du plafond des dépenses électorales fixé pour le second tour de scrutin, soit 10,7 millions d’euros (10.691.775 euros précisément).
Enfin, lors de la publication officielle des candidats par le Conseil constitutionnel, l’Etat avance la somme de 153.000 euros pour chacun des prétendants.
3- Un plafond de dépenses très surveillé
Les candidats à l’élection présidentielle ne peuvent pas dépenser autant d’argent qu’ils le souhaitent pour leur campagne électorale. Le plafond actuellement en vigueur est fixé à 16,851 millions d’euros pour un candidat à l’élection du président de la République. Ce plafond est porté à 22,5 millions d’euros pour chacun des candidats présents au second tour.
Ce sujet est au coeur de l’affaire concernant le délit de financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, en 2012, en lien avec la société Bygmalion. Dans l’ordonnance des juges, l’ancien président est accusé d’avoir dépassé le plafond des dépenses électorales en engageant des dépenses supérieures au plafond légal, « sans tenir compte de deux alertes adressées par les experts comptables de sa campagne les 7 mars et 26 avril 2012 », rapporteReuters.
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4 – Un mandataire financier obligatoire
Pour toutes les opérations, le candidat doit ouvrir un compte de campagne mais n’a pas le droit de le gérer personnellement. Chaque prétendant a l’obligation de nommer un mandataire financier, qui doit recenser les dépenses et recettes des candidats. Le compte de campagne doit ensuite être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP). C’est donc bien le candidat qui est financièrement responsable et non le parti.
5 – Des difficultés dans les contrôles
La Commission nationale des compte de campagne a pour missions principales de contrôler les comptes de campagne des candidats et d’arrêter le montant du remboursement de l’Etat. Cette autorité administrative indépendante n’a pas de pouvoir d’investigation directe, comme le rappelait très justement le président de la Commission François Logerot en 2016, lors d’une audition à l’Assemblée nationale :
À l’égard des candidats aux élections, la Commission exerce, au contraire, un contrôle des comptes de campagne devant aboutir soit à l’approbation, soit à la réformation de ces comptes. Au terme d’une procédure contradictoire, elle procède alors au retrait de certaines dépenses, ce qui peut avoir pour conséquence la diminution du remboursement de l’apport personnel ayant servi à les financer. Dans un petit nombre de cas, il arrive que la Commission procède au rejet du compte, aboutissant à la saisine du juge de l’élection.[..] Mais j’insiste sur le fait que ce contrôle s’exerce sur une base déclarative et non pas inquisitoriale : c’est sur la base du compte déclaré que nos rapporteurs demandent des justifications complémentaires et des pièces manquantes. Nous n’avons pas de pouvoir direct d’investigation, encore moins de nature policière.
Cette instance n’a pas non plus de pouvoir de sanction. C’est le juge administratif qui doit prononcer l’éventuelle inéligibilité d’un candidat ou le rejet des comptes de campagnes. Au regard des moyens humains présents dans cette organisation, les difficultés semblent s’accumuler pour cette commission, comme le souligneFrançois Logerot: « La charge de travail qui nous est imposée dépend de décisions extérieures, c’est-à-dire du nombre de candidatures à chaque élection et de la création ou de la disparition de partis ».
Malgré la mise en place d’une législation encadrant le financement des campagnes électorales et la création d’une commission dédiée aux contrôles des comptes des partis et des campagnes, les révélations, de ces dernières années, sur le scandale Bygmalion, indiquent que des efforts restent à effectuer dans ce domaine.
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