Comment rénover plus de logements ?
La rénovation énergétique des logements est l’une des priorités pour mener à bien la transition énergétique. La plupart des candidats à la présidentielle l’évoquent d’ailleurs dans leur programme. Le sujet devient, il faut dire, incontournable : globalement, la consommation énergétique des secteurs résidentiel et tertiaire représentent près de 45 % de la consommation d’énergie finale et est responsable de 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.
L’enjeu est aussi social : près de 6 millions de ménages, le plus souvent aux revenus modestes, sont en situation de précarité énergétique en France, soit plus de 12 millions d’individus. Parmi eux, 87 % habitent dans le parc privé, 62 % sont propriétaires-occupants et 65 % vivent en ville, selon l’Agence de développement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Pire, les conséquences néfastes de la précarité énergétique sur la santé des ménages sont désormais prouvées.
Des objectifs pas atteints
Pour remédier à ces crises sociales et environnementales, un plan d’investissement a été lancé en mars 2013. Il prévoit la rénovation de 500.000 logements chaque année à partir de 2017 (380.000 logements privés et 120.000 logements sociaux). Un objectif difficile à atteindre à l’échelle d’un parc très diffus de 35 millions de logements, dont près de 80 % sont la propriété de particuliers. D’ailleurs, « seules 288.000 rénovations » performantes ou très performantes énergétiquement ont été achevées en 2014, selon l’Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement.
De multiplies incitations fiscales pour rénover sont pourtant mises en œuvre : le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), la TVA à 5,5 % sur les travaux, l’éco-prêt à taux zéro, des primes exceptionnelles sous conditions de revenus, sans compter les aides des collectivités locales. Mais ce n’est pas (encore) assez pour atteindre les objectifs fixés. « Le secteur de la rénovation énergétique a du mal à décoller, il lui faut du temps », reconnaît Sabine Basili, vice-présidente de la confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). Des freins à sa croissance subsistent, notamment du côté des ménages, car « les travaux d’isolation ne sont pas forcément ceux qui viennent en premier à l’esprit des particuliers lorsqu’il s’agit d’améliorer leur chez-soi », note Sabine Basili.
Rapprocher l’offre et la demande
Comment, dès lors, rapprocher une demande très diffuse d’une offre qui l’est tout autant (hors micro-entrepreneurs, la France compte près de 400.000 petites entreprises du bâtiment répartie sur tout le territoire, selon la Capeb) ? Peut-être en changeant la perception des ménages des travaux de rénovation énergétique, en axant les campagnes de communication sur l’amélioration du confort des ménages. Sabine Basili suggère notamment que le gouvernement diffuse, un peu à la manière de ce qui est fait pour la prévention routière, des messages publicitaires sur les enjeux sociaux et environnementaux de la rénovation énergétique des logements.
Certains candidats à la présidentielle proposent aussi des solutions. Dans le cadre de son grand programme de planification écologique, le candidat de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon souhaite « mettre en place un guichet unique regroupant les demandes de financement, l’évaluation des besoins, et la coordination des professionnels nécessaires pour organiser la rénovation par les propriétaires individuels ». Il propose aussi de « former, labelliser et coordonner les professionnels de la rénovation énergétique afin d’imposer une obligation de résultats ». Son objectif étant d’assurer « l’isolation d’au moins 700.000 logements et mettre fin aux situations de précarité énergique que vivent les ménages ».
Des innovations financières
De son côté, le candidat PS Benoît Hamon propose un nouveau mécanisme de financement pour accroître le nombre de rénovation : le tiers financement. Par ce mécanisme, un organisme public ou parapublic financerait directement les opérations de rénovation énergétique, et se rembourserait sur les économies d’énergies futures. De la sorte, le propriétaire n’aurait pas à prendre en charge directement la rénovation de son logement. Intéressant sur le papier, ce dispositif n’en est pas moins perfectible. En effet, l’équilibre financier de ce type d’opération peut souvent être mis à mal car « d’une part on ne maîtrise pas l’évolution du coût de l’énergie dans les années à venir ; et d’autre part, les ménages peuvent parfois « surconsommer » en situation de confort énergétique »,explique Sabine Basili.
Enfin, Emmanuel Macron (En Marche !), qui annonce la suppression des passoires énergétiques des propriétaires les plus précaires en 10 ans, propose un audit gratuit à tous les propriétaires occupants en situation de précarité énergétique. En parallèle, il mettra en place, s’il est élu, un fonds public qui prendra « intégralement en charge les travaux des propriétaires les plus précaires, avec un remboursement au moment de la vente du bien ».
Faire appel aux entreprises du numérique ?
Mais au-delà des propositions des candidats, peut-être faudrait-il également faire appel aux entreprises du numérique, qui n’ont pas leur pareil pour mettre en relation rapidement une offre et une demande. Par exemple, la start-up Travauxlib, qui vient de lever 1,8 million d’euros, met en relation des professionnels et des particuliers pour des travaux de plus de 3.000 euros. Certes, cette plateforme est davantage consultée par des profils jeunes aux revenus aisés, mais environ 30 % des travaux réalisés grâce à cet intermédiaire sont tout de même des travaux d’amélioration de performance énergétique.
Cette idée de mettre en relation des professionnels « labélisés » par les autorités compétentes et des particuliers par le biais du numérique pourrait être une réponse d’avenir pour dynamiser les rénovations. Toutefois, si Travauxlib met en valeur la qualité des prestations proposées, Sabine Basili rappelle qu’il faudra faire attention à ce que d’autres initiatives du même type ne succombent pas aux sirènes « du tout low cost », où la qualité des services rendus serait lourdement dégradée. Une telle évolution serait d’autant plus dommageable qu’il est possible de créer en France une filière d’excellence de la rénovation énergétique. Un marché dont le potentiel représente plusieurs dizaines de milliards d’euros.