Les coulisses de… « Réparer les vivants »
Au départ, un livre : Réparer les vivants, sorti en janvier 2014 aux éditions Verticales. Le roman de Maylis de Kerangal n’est pas encore un best-seller (390 000 ventes à terme) quand David Thion, coproducteur du film, l’offre à Katell Quillévéré, dont Suzanne vient de sortir en salles. « En le lisant, j’ai été retournée. Je pense que quelque chose me reliait à ce livre », explique-t-elle. Mais comment adapter à l’écran ce récit de la transplantation du cœur d’un adolescent mort dans un accident de voiture ?
Dès l’écriture, Katell Quillévéré et Gilles Taurand (son coscénariste) passent du temps à l’hôpital – notamment à Georges-Pompidou et à la Pitié-Salpêtrière afin de comprendre « les enjeux médicaux et affectifs ». Idem pour les acteurs. Tahar Rahim a été coaché par Régis Quéré, coordinateur de prélèvement d’organes à Necker. Ce dernier avait déjà épaulé Maylis de Kerangal pour l’écriture de son roman : « Pour moi, la justesse permet la liberté de la fiction, et Maylis comme Katell ont très bien compris cela. »
Un organe si particulier
Appelé dès qu’un patient en réanimation présente des signes de mort encéphalique, il accompagne les familles, est présent jusque dans le bloc opératoire pour s’assurer notamment que leurs dernières volontés soient respectées. « Je garde un bon souvenir de ce travail intime avec Tahar, dit-il. Katell a su s’impliquer avec intelligence et respect dans chacune des étapes menant à la greffe et rendre visible ce qui peut être difficile à montrer. »
Ainsi, les scènes de bloc opératoire sont extrêmement véridiques sur la chronologie, le vocabulaire et les gestes. « Il était essentiel que le film soit irréprochable sur le corps médical qu’il représente. La beauté et les défis de ces métiers sont fascinants », renchérit la réalisatrice.
Et puis il y a le cœur en lui-même, qui apparaît à l’écran. « Une pièce de boucher que l’on met dans la glace, que l’on trimballe, détaille Katell Quillévéré. Mais le cœur est un organe particulier par sa symbolique. Il fallait faireressortir cette contradiction. La scène de prélèvement représentait ainsi un enjeu de cinéma très important : on rentrait dans une médicalisation du récit et ce sont les chirurgiens qui le prennent en main. Dès lors, les affects sont mis de côté et le rythme est celui de l’opération, on s’éloigne de la fiction et des personnages, ce qui me semblait essentiel. »
Pour Régis Quéré, « même si le contexte est tragique, ces histoires – et chacune est unique – sont chargées d’espoir dans cette capacité à penser l’autre malgré tout ». Et c’est ainsi que la formule de Tchekhov tirée de Platonov – « Il faut enterrer les morts et réparer les vivants » – trouve ici sa plus juste expression.
Lire la critique de « Réparer les vivants » : Trop de vivants autour d’un mort
« Réparer les vivants », de Katell Quillévéré, avec Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner, Anne Dorval… (1 h 40). En salles le 1er novembre.