La Femme, une bande à part
Dans « Mystère », son deuxième album, le groupe français livre un savoureux cocktail de pop yéyé, rock, cold wave ou folk médiéval.
Le mois de septembre va commencer,/Un peu de spleen c’est la fin de l’été/Mais pourquoi mon ventre se serre à la rentrée… » Les souvenirs encore frais des angoisses scolaires ont inspiré à Marlon Magnée (25 ans) et Sacha Got (24 ans) cette ritournelle (Septembre) à l’attachante candeur juvénile. Loin des bancs du lycée et de la fac, les deux têtes pensantes de La Femme pouvaient à nouveau sentir, vendredi 2 septembre, les picotements du trac post-estival. En ce lendemain de rentrée des classes, le sextet pop basco-parisien passait en effet le périlleux examen du deuxième album. Les gorges ne semblaient pourtant guère nouées lors de la fête qui, le soir même, célébrait l’événement, dans une rue du 9e arrondissement de Paris. Dans le labyrinthe de trois étages d’anciens locaux de la Sacem voués à la démolition, un essaim de jolies filles, de garçons excentriques, de professionnels avertis et d’artistes stylés (Thomas Bangalter de Daft Punk, Philippe Katerine, Olivia Merilahti de The Dø…) trinquaient à la santé de La Femme et de Mystère, son deuxième album.
Dans la foulée de récents festivals d’été (la Route du rock, Beauregard, Rock en Seine…) et en amont d’une tournée internationale, Marlon (chant et clavier), Sacha (chant et guitare), Clémence Quélennec (chant et clavier), Sam Lefèvre (basse), Lucas Nunez Ritter (percussions) et Noé Delmas (batterie) peuvent être fiers de leur nouvelle copie. Après avoir survécu au buzz d’un repérage précoce grâce à un premier album, Psycho Tropical Berlin (2013), la petite bande a su préserver la fraîcheur de ses fondamentaux, tout en enrichissant sa palette. On retrouve ainsi dans Mystère une signature sonore reconnaissable entre toutes. Une identité bricolée au croisement de l’excitation rock’n’roll primitive et de l’électro-pop naïve, portée par des chants détachés à dominante féminine jouant du surréalisme comme du plus désarmant premier degré.
Vie amoureuse, flash érotique, ironie cruelle, réflexion existentielle et idées noires filent dans les rouleaux de vagues hédonistes ou s’alanguissent sur des mélodies capables de côtoyer aujourd’hui folk médiéval (Le vide est ton nouveau prénom) ou mélopée orientale (Al Warda, chanté en arabe). La complicité et les caractères contrastés de Marlon et Sacha continuent de fairebattre le cœur de La Femme. Diablotin électrique aux cheveux et sourcils décolorés entre orangé et platine, le premier semble l’opposé du second, brun au flegme un peu lunaire. « Ils ont rarement les mêmes goûts, peuvent se disputer jusqu’à se balancer des trucs sur la gueule, mais finissent toujours par se retrouver sur la musique et les chansons », raconte un proche.
Le substrat du groupe porte la trace de leurs racines basques. Née au lycée, à Biarritz, leur amitié s’est nourrie d’insouciance balnéaire et de quête d’adrénaline. Musique et sports de glisse font alors bon ménage. « Des moments synonymes de sensations fortes et de liberté », se souvient Sacha Got. « Le surf te permet de fusionner avec les éléments, le skate de traîner en bande. On pouvait marauder toute la nuit avec nos planches et nos bombes de graff. »« Un jour, un de nos copains a mis toutes ses fringues à la laverie, en gardant juste chaussettes et chaussures pour continuer de faire du skate, à poil, jusqu’à ce que ses affaires soient propres », raconte Marlon. Cette insolence digne des Kids du cinéaste Larry Clark perdure dans un répertoire que les deux garçons ont façonné une fois installés à Paris.
Avant le bac, c’est d’abord Marlon qui suit sa mère dans la capitale et se frotte à la scène rock locale au sein du groupe « twist-punk » SOS Mademoiselle. Après à peine deux mois de fac, son ami guitariste le rejoint pour se consacrer entièrement à leur destin musical. Paris a encouragé les croisements et les rencontres.
Dans son grand shaker, La Femme a secoué à l’instinct sa passion de la surf music, des yéyé underground, des voix féminines des années 1960, de la cold wave française, du hip-hop, du psychédélisme ou du punk. Dosé sans calcul, le cocktail s’est révélé goûteux. A une époque où la tendance pop hexagonale était à l’anglophonie généralisée, leur façon de chanter en français leurs délires et leur quotidien – « plus on parle simplement, plus on est juste », souligne Marlon – ouvrait d’autres perspectives.
L’expérimenté réalisateur artistique de leur premier album, Samy Osta, se souvient de sa rencontre avec le binôme, alors à peine majeur. « Ils n’arrêtaient pas de manger des bonbons et de fumer des pétards, raconte-t-il en riant. Je me disais : “Ils jouent mal, ne sentent pas très bon, mais qu’est-ce que c’est bien !” Ils débordaient d’envie de vivre. »
A force d’enregistrements, de tournées et d’expériences internationales (sorties et concerts dans une vingtaine de pays), La Femme a gommé ses excès bordéliques sans perdre sa spontanéité ni ses désirs d’autonomie. Approché par quelques producteurs prestigieux (dont Julian Casablancas des Strokes), le groupe a réalisé lui-même, dans un vieux manoir, ce nouvel album palpitant de trouvailles. Comme pour mettre en pratique cet extrait de Septembre : « D’autres routes s’offrent à toi, tu n’as plus qu’à les imaginer/Allez réveille-toi ! Montre-leur que personne ne choisira pour toi la place que tu occuperas dans cette société. »
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Mystère, de La Femme, 1 CD Barclay.
Concerts : Le 17 septembre, au festival, Lévitation, à Angers ; le 30, à Rouen ; le 1er octobre, au festival Détonation, à Besançon ; le 7, à Joué-lès-Tours ; le 12, au Nancy Jazz Pulsations ; le 24 novembre, à Grenoble ; le 25, à Montpellier ; le 26, à Toulon ; le 27, à Marseille ; le 1er décembre, au Havre ; le 9 à Lyon ; le 15, à Lille ; le 19 janvier 2017, à Talence ; le 20, à Clermont-Ferrand ; le 26, à La Rochelle ; le 27, au Zénith Paris.