Alerte au rapt virtuel en Espagne
Cette nouvelle forme d’arnaque fait rage : des cyber-ravisseurs font croire à l’enlèvement d’un proche pour obtenir une rançon. Plus de 700 plaintes ont été enregistrées.
Prise de risque limitée, argent rapide, investissement zéro. C’est le délit en plein boum
en Espagne : l’enlèvement virtuel. Tout commence par un appel téléphonique, généralement sur le poste fixe d’une personne choisie au hasard. Au bout du fil : des cris, des pleurs, une voix méconnaissable qui demande de l’aide. Puis un homme prend la ligne et demande le paiement immédiat d’une rançon pour libérer le proche qu’il vient de kidnapper.
Souvent, afin de rendre l’enlèvement plus crédible, les délinquants ont au préalable pêché sur Facebook des informations sur la vie privée de la fausse victime, qu’ils laissent tomber au milieu d’une conversation qui peut durer des heures. Car pour que le piège fonctionne, ils obligent leur interlocuteur à mener toutes les opérations en restant en ligne, les empêchant ainsi de vérifier l’enlèvement ou d’appeler la police.
De 1 000 à 10 000 euros de rançon
On les enjoint, sous peine d’entendre agoniser leur proche en direct, à virer des sommes allant de 1 000 à 10 000 euros sur le numéro de compte bancaire précisé, par le biais d’une agence internationale de transfert d’argent. Une fois le virement effectué, la conversation est interrompue. Le tour est joué.
Entre février 2015, première vague de cas recensés en Espagne, et le 1er juillet 2016, date du dernier bilan effectué, la police espagnole a recensé plus de 700 plaintes pour enlèvement virtuel, aussi appelé « extorsion téléphonique ». Le montant dérobé n’est pas faramineux : il s’élèverait à 32 000 euros au total, car seuls 5 % des personnes tombent dans le piège et, pour aller vite, les faux kidnappeurs abaissent facilement leurs exigences. Mais depuis quelques semaines, celles-ci ont été multipliées par trois, raison pour laquelle la Guardia Civil a voulu « alerter » la population cet été. Elle a donc communiqué les procédés utilisés par les délinquants et édité un guide pour éviter les pièges : prêter attention aux préfixes inconnus des appels, ne pas hésiter à couper la conversation, l’enregistrer si possible, laisser une autre ligne libre pour vérifier la véracité du kidnapping…
Des prisonniers chiliens
« Ces dernières semaines, nous avons reçu une nouvelle vague de plaintes qui coïncide avec la saison estivale, quand il est plus difficile de contacter ses proches », a expliqué le capitaine Alvaro Montero, chef de l’équipe d’enlèvement et extorsion de l’unité centrale opérationnelle de la garde civile. « Nouvelle » car l’an dernier déjà, entre février et octobre 2015, l’Espagne avait connu le même fléau. Jusqu’à ce que les délinquants soient identifiés dans une prison chilienne : Colina II, située à quelques kilomètres de Santiago et réputée l’une des plus dangereuses du pays. Treize prisonniers, qui passaient leurs appels avec des téléphones portables cachés dans leurs cellules, ont été mis en examen grâce à la collaboration des polices espagnole et chilienne.
Depuis, la pratique a fait des émules. Et si « presque tous » les enlèvements virtuels sont à nouveau orchestrés depuis le Chili, « 4 % des appels reçus dans cette nouvelle vague ont été passés depuis l’Espagne », souligne Alvaro Montero.
En Amérique latine, le phénomène existe depuis plus longtemps et s’appuie sur la peur, justifiée dans des pays comme le Mexique ou l’Argentine, par de véritables enlèvements. Mais en s’attaquant à des Espagnols, les prisonniers chiliens ont l’avantage de mettre des dizaines de milliers de kilomètres entre eux et leurs victimes, choisies dans un pays européen où le pouvoir d’achat est supérieur au leur, tout en parlant la même langue.