La première femme députée aborigène émeut le Parlement australien

Dans son discours d’entrée à la Chambre, la travailliste Linda Burney, 59 ans, a rappelé son parcours – semé d’embûches – d’Australienne aborigène.

Le 31 août, Linda Burney a fait son entrée à la Chambre basse avec une peau de kangourou ornée de son animal protecteur, le cacatoès.

Une peau de kangourou posée sur les épaules. Linda Burney a choisi un habit peu commun pour ses premiers pas au parlement australien. C’est « un manteau qui raconte mon histoire personnelle », a-t-elle confié à ses collègues députés : il porte le totem de son clan, le varan, ainsi qu’un cacatoès blanc. Cet oiseau « très bruyant », qui ne passe jamais inaperçu, est l’animal protecteur de la nouvelle députée. Cette session du 31 août, au Parlement à Canberra, restera dans les mémoires.

La travailliste Linda Burney, élue en juillet, est la première femme aborigène à entrer à la Chambre basse australienne. Avant elle, un homme avait ouvert la voie : le conservateur Ken Wyatt en 2010. L’ex-championne olympique Nova Peris, elle, fut la première femme aborigène à entrer au Sénat, en 2013.

« Je suis née à un moment où le gouvernement australien savait combien de moutons se trouvaient dans le pays, mais pas combien d’Aborigènes. » Linda Burney

Cette fois, on a vu des élus émus aux larmes, un libéral passer de l’autre côté de la Chambre pour embrasser sa nouvelle collègue ; on a entendu un chant aborigène résonner dans la galerie réservée au public. Après leur première élection, les parlementaires australiens sont invités à partager dans un discours leur histoire, leurs valeurs, leur programme politique. Linda Burney a pris la parole dans la langue traditionnelle de sa tribu, les Wiradjuri, pour raconter son parcours, qui se confond souvent avec l’histoire récente des Aborigènes.

« Je suis née à un moment où le gouvernement australien savait combien de moutons se trouvaient dans le pays, mais pas combien d’Aborigènes », a-t-elle lâché. Ce n’est qu’à partir de 1967, dix ans après sa naissance, que ces derniers ont été comptabilisés dans le recensement. « Les dix premières années de ma vie, je n’ai pas existé en tant que citoyenne. »

Extrait du premier discours de Linda Burney devant le parlement australien

Linda Burney est la fille d’une Blanche et d’un Aborigène. « Je suis née à un moment où le fait qu’une Blanche ait un enfant aborigène était choquant, et d’autant plus si elle n’était pas mariée », a-t-elle déclaré. Adoptée par sa grand-tante, écossaise d’origine, elle a rencontré son père à l’âge de 28 ans et découvert qu’il avait eu dix autres enfants vivant à quarante minutes de chez elle.

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Grandir à l’écart de sa famille aborigène ne l’a pas préservée du racisme. En 2010, elle est retournée dans le village de son enfance pour le 150e anniversaire de son école publique. Ce jour-là, comme un rappel de l’opprobre subi par son peuple, un homme s’est approché d’elle pour lui glisser à l’oreille : « Tu sais, Linda, le jour où tu es née a été l’un des plus sombres que ce village ait connus. » Stupéfaite, la battante au CV impressionnant n’a rien su répondre.

Œuvrer pour la reconnaissance de son peuple

Linda Burney aété la première Aborigène diplômée de son université, à Sydney, puis encore la première à entrer au Parlement de Nouvelle-Galles du Sud en 2003. Elle espérait alors faire des émules chez de nombreux Australiens de même ascendance qu’elle, ce qui n’a pas été le cas. Linda Burney a expliqué qu’elle voulait œuvrer pour davantage de justice sociale et d’égalité.

Les Aborigènes restent très défavorisés en Australie, aussi bien au niveau économique que de l’éducation et de la santé. Leur taux de chômage dépasse 17 %, alors que la moyenne nationale est de 5,5 %. Ils représentent par ailleurs 3 % de la population… mais 27 % de la population carcérale. Parmi les priorités de la nouvelle élue : la reconnaissance des Aborigènes dans la Constitution. Ceux-ci n’apparaissent pas dans le texte qui date de 1901. Un référendum devait être organisé en 2017 pour modifier la Constitution, mais le processus tarde à s’enclencher. C’est à l’aune de cette réforme constitutionnelle que l’on pourra mesurer le succès de son mandat, a estimé la députée.