A Bruxelles, les automobilistes ne voient pas le bout du tunnel

La capitale belge, qui souffre déjà de problèmes aigus de circulation, est contrainte de fermer certains tunnels pour travaux. Un cauchemar pour des milliers de conducteurs. Et un gros imbroglio politique.

Des dizaines de milliers de personnes viennent chaque jour travailler à Bruxelles.

La Belgique sait entretenir la flamme du surréalisme et ses dirigeants montrent souvent la voie à suivre. Celle des « tunnels bruxellois », par exemple, ce dossier qui amuse, consterne, sidère les habitants de la ville et fait découvrir aux étrangers les joies du malgoverno, ­version plat pays.

Depuis janvier, plusieurs des 17 tunnels que compte la ville région ont dû être fermés, bricolés, réparés à la hâte : ils menaçaient la sécurité des usagers, et certains semblaient même près de s’effondrer, faute d’avoir été entretenus comme il se doit. Des experts ont découvert in extremis que la dalle de l’un d’eux, le tunnel ­Montgomery, risquait de s’affaisser sur la chaussée.

Mauvais genre

Souvent congestionnée et constellée d’innombrables chantiers, la capitale belge est, cette fois, devenue un véritable cauchemar pour ceux qui doivent la sillonner en voiture. Cela fait mauvais genre pour une cité qui se veut européenne mais accumule les lacunes en matière de transports publics : la Commission européenne vient d’indiquer à la Belgique que les problèmes de mobilité dans et autour de sa capitale menaçaient son potentiel de développement. Et ce n’est pas l’instauration très contestée, au cœur de la ville, d’un long chemin piétonnier qui devrait améliorer les choses.

Le tunnel Stéphanie, une importante voie d'accès au centre de la capitale belge, sera fermé pendant un an.

A partir des années 1950, Bruxelles a été éventrée pour permettre aux automobilistes de se déplacer plus aisément dans cette cité que gagnent, et quittent, quotidiennement des dizaines de milliers de « navetteurs », Flamands et Wallons, venant y travailler. ­En Belgique, où le slogan « Mon auto, ma liberté » a longtemps fédéré, il est difficile d’inciter les citoyens à tenter d’autres modes de déplacement. D’autant que de très nombreuses entreprises offrent à leurs employés une voiture de fonction qui échappe assez largement à la très lourde taxation sur le travail.

La faute aux souris ?

Il reste à identifier les responsables de l’affaire des tunnels. Pour cela, on pourrait recourir aux archives, mais un ingénieur de Bruxelles Mobilité, le service compétent (il est permis d’en douter) de l’administration régionale, a affirmé qu’elles avaient été dévorées par des souris après avoir été stockées dans les piliers de certains ponts…

On pourrait aussi interroger les ministres-présidents de la région. L’actuel, Rudi Vervoort, PS, affirme qu’il n’avait été mis au courant de rien. L’un de ses prédécesseurs, le libéral François-Xavier de Donnea, a « perdu les papiers ». Un autre, le socialiste Charles Picqué, en poste durant vingt ans, a été nommé… président de la commission parlementaire créée pour enquêter sur la situation des tunnels. « Comme si le patron de Volkswagen présidait la commission d’enquête sur les émissions de CO», ironise l’un de ses opposants.

Peut-être faut-il consulter le ministre régional des transports, alors ? Pascal Smet, un jeune socialiste ­flamand réputé avoir trois idées à la minute, a asséné qu’il allait « résoudre cette merde de dossier ». A part proposer un péage à l’entrée des tunnels (du moins lorsqu’ils seront rouverts, suppose-t-on), il reste toutefois assez flou quant à ses intentions. Le hashtag #tunnelgate, déjà très populaire, est appelé à durer.