Comment collecter le caca dans l’espace ?

Les toilettes de la Station spatiale internationale.

L’anecdote ne laissera pas de trace dans les annales de la conquête spatiale, mais elle est authentique :après une sélection impitoyable et huit ans d’entraînement acharné, Thomas Pesquet, réalisant enfin son rêve étoilé, s’est vu confier comme première mission à bord de la Station spatiale internationale (ISS)… de réparer les toilettes. Eh oui, les astronautes, s’ils ont l’étoffe des héros et tutoient les étoiles, font pipi et caca comme tout le monde.

Sauf que là-haut, en l’absence de gravité, tout est compliqué – et singulièrement les contingences hygiéniques. Déjà, pas de WC, mais des WHC (« waste and hygiene compartment »), cela sonne plus high-tech… Ces toilettes à 20 millions de dollars (19,2 millions d’euros) sont un luxe, à l’échelle de l’ISS (110 × 72 × 20 mètres, 430 tonnes) : le luxe d’un hôtel spatial mille étoiles.

En fait, ce réceptacle est une sorte d’aspirateur : le flux d’air attire automatiquement les déchets, liquides et solides, qui sortent du corps. Pour uriner, un simple entonnoir ; pour déféquer, un sac, comme celui d’un aspirateur, que l’on referme hermétiquement après usage. Les sacs contenant les déchets solides sont stockés puis rassemblés et finissent, avec d’autres déchets, dans des conteneurs.

J’ai l’impression d’être dans @BigBangTheory! Hier avec @AstroPeggy on a passé une bonne partie de la journée à rép… https://t.co/Q6geKSULpC

— Thom_astro (@Thomas Pesquet)

Largués de la station, ces derniers brûlent dans l’atmosphère terrestre et y tracent dans le ciel de jolies étoiles filantes. L’urine des astronautes, quant à elle, est trop précieuse pour être simplement évacuée. Elle est recyclée pour en extraire de l’eau pure, laquelle sera consommée de nouveau, comme l’explique l’astronaute américain Don Pettit : « Le café d’hier devient le café d’aujourd’hui. »

Matières fécales… et filantes

Mais les astronautes ne restent pas confinés dans leur station. Et quand ils enfilent leur combinaison spatiale pour sortir, réparer les panneaux solaires ou changer les batteries, ils peuvent, hélas, ressentir aussi une grosse envie de faire pipi… ou pire. Ainsi, en 2001, l’Américaine Susan Helms est restée dehors… près de neuf heures ! Dans ces conditions, une seule solution, bien sûr : porter des couches. Tous les spationautes passent par là.

Lors du décollage à bord du Soyouz russe, les cosmonautes sont équipés de scaphandres, dans lesquels ils marinent pendant des heures. Lors du retour sur Terre, idem. Pour les agences spatiales, ce problème d’hygiène se double d’un problème médical. Des astronautes qui, pour une raison ou une autre, devraient rester en scaphandre plusieurs jours d’affilée mettraient leur santé, voire leur vie, en danger.

D’où le très sérieux Space Poop Challenge (le concours du caca de l’espace) lancé par la Nasa. Objectif de l’agence spatiale américaine : débarrasser, enfin, les astronautes de leurs couches, qui seraient remplacées par un système intégré au scaphandre spatial, et qui serait capable de collecter urine, matière fécale et pertes menstruelles pendant six jours !

Un problème éculé depuis cinquante ans

Contrainte supplémentaire : ce système devrait conserver ces déchets organiquessans qu’ils soient en contact avec le corps de l’astronaute. Un véritable défi technique, contrastant avec la simplicité des besoins naturels de l’être humain.

Et si la NASA a créé ce challenge public, en espérant qu’un génie de concours Lépine trouve LA solution, c’est que, depuis un demi-siècle, ses meilleurs ingénieurs se cassent les dents sur ce trivial problème de « pipi caca ». Vous avez jusqu’au 21 décembre pour proposer votre solution, et tenter de gagner 30 000 dollars.

Si elles peuvent faire sourire, les préoccupations de l’agence spatiale américaine ne sont pas sans fondement : la NASA met actuellement au point son prochain lanceur géant, le SLS (Space Launch System), associé au futur vaisseau Orion, lesquels pourraient, dans une décennie, ramener les astronautes sur la Lune, ou les emmener sur Mars. Personne ne sait aujourd’hui à quelles situations d’urgence les astronautes pourraient être confrontés, mais l’agence ne veut pas prendre le risque de voir une future mission interplanétaire mise en péril par une banale infection bactérienne…

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Serge Brunier