Touristes étrangers, prière de ne pas déranger les Japonais

Avec près de 20 millions de visiteurs en 2015, l’archipel est en plein essor touristique. Ce qui n’est pas du goût de tous ses habitants. Et ils le font savoir, paroles et actes à l’appui. Exemple : les « attentats » au wasabi.

Le Monde | 21.10.2016 à 14h06 • Mis à jour le23.10.2016 à 07h37 |Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)

« Il y a beaucoup d’étrangers dans le train. Nous nous excusons pour le dérangement occasionné. » Cette annonce, diffusée le 10 octobre par le conducteur d’un train à destination de l’aéroport international du Kansai, au Japon, a fait scandale. L’affaire a éclaté après qu’une Japonaise a interpellé la compagnie ferroviaire locale pour savoir si cela faisait partie des directives données aux conducteurs.

Le lendemain, la compagnie ferroviaire Nankai a officiellement présenté ses excuses pour le comportement « inapproprié » de son employé. D’après l’entreprise, il aurait pris l’initiative, non pour des raisons discriminatoires, mais pour éviter d’éventuels incidents. Un passager japonais avait lancé à haute voix, au départ du train en gare de Namba, dans le centre d’Osaka : « Il y atrop d’étrangers dans le train. C’est gênant. » La compagnie a déclaré : « Il n’est pas approprié d’établir des distinctions entre les passagers. » Et s’est engagée à ce que de tels incidents ne se reproduisent pas.

Le wasabi, arme inattendue

Le lendemain, le site satirique The Rising Wasabi – sorte de Gorafi local – publiait un papier évoquant « une compagnie d’Osaka » qui aurait « créé une voiture réservée aux étrangers ». Dans ce wagon, précise l’article, « régnera de manière notable une absence de décence et de bonnes manières ». La publication reprend ainsi des reproches souvent émis au Japon à l’égard des étrangers.

Ce couac n’est pas le premier dans un pays en plein essor touristique. Le scandale du train fait suite à l’affaire du « terrorisme au wasabi », comme elle a été surnommée sur les réseaux sociaux. Quelques semaines plus tôt, un restaurant de sushis d’Osaka, principale ville du Kansai, avait été épinglé pour avoir servi à des touristes sud-coréens des sushis avec une quantité excessive de wasabi, la moutarde japonaise utilisée normalement avec parcimonie dans la confection de cette spécialité.

Le « terrorisme au wasabi », un sujet qui a été largement relayé sur les médias coréens début octobre.

La chaîne Ichibazushi, propriétaire du restaurant incriminéet filiale du géant de l’alimentaire Fujii Shokuhin, a également présenté ses excuses. Et rejeté toute accusation de racisme : « Beaucoup de nos clients étrangers demandent plus de wasabi et de gingembre. Il arrive que nous augmentions les quantités sans les consulter. » Les réseaux sociaux ont immédiatement fait circuler des images, reprises par les chaînes de télévision, montrant d’énormes quantités de wasabi entre la boule de riz et la tranche de poisson.

Ces affaires font grand bruit dans l’Archipel, où l’omotenashi – la coutume d’accueil, d’hospitalité et de service – reste une tradition appréciée. Elles interviennent alors que le Japon s’enorgueillit d’un tourisme en pleine expansion. En août, il a accueilli plus de 2 millions de visiteurs étrangers, un chiffre en hausse de 12 % sur un an. Le gouvernement s’est fixé pour objectif d’en fairevenir 40 millions en 2020, deux fois plus qu’en 2015.

  •  Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)

    Journaliste au Monde
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