Chez les Bleus, après la déprime, la prime

Pour avoir atteint la finale de l’Euro, chaque joueur de l’équipe de France touchera 250 000 euros. Une somme raisonnable pour le milieu du football, négociée avant le début de la compétition.

Finalistes malheureux de l’Euro 2016 face au Portugal, les Bleus n’ont pas tout perdu : ils empochent 250 000 euros chacun.

Ce n’est certainement pas un lot de consolation, à peine un peu de beurre rance dans les épinards amers de la défaite. Mais, pour leur parcours de finaliste à l’Euro 2016, les joueurs de l’équipe de France de football vont empocher, chacun, une prime de 250 000 euros. Cette somme a été ­officialisée par Noël Le Graët, président de la Fédération française de football (FFF), avant le début de la compétition, et c’est une tradition.

« Ces primes correspondent souvent au salaire mensuel des joueurs, et ce n’est pas ça qui va les inciter à courir plus vite. » Henri Emile, ancien intendant des Bleus

« Les primes de performance sont négociées lors du stage de prépa­ration, pour avoir l’esprit libre durant la ­compétition », raconte Henri Emile. En tant qu’intendant des Bleus entre 1984 et 2004, puis entre 2010 et 2012, il faisait l’intermédiaire entre les responsables de la Fédération et les joueurs chargés de négocier les primes pour toute l’équipe. Des exigences toujours raisonnables. « Ces primes correspondent souvent au salaire mensuel des joueurs, et ce n’est pas ça qui va les inciter à courir plus vite, poursuit-il. Mais, comme ils sont professionnels, ils ne veulent pas jouer pour rien. »

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Petits comptes d’épicier en guise d’exemples : ces 250 000 euros excèdent le salaire de Kingsley Coman, payé environ 160 000 euros par mois au Bayern Munich, mais ne sont pas forcément un « super-banco » pour Antoine Griezmann, qui émarge à environ 500 000 euros ­ mensuels dans son club de l’Atlético Madrid, ou pour Olivier Giroud, qui touche environ 600 000 euros à Arsenal.

Antoine Griezmann (ici, pendant la finale, face à William Carvalho) vaut désormais 100 millions d’euros en cas de transfert.

Henri Emile n’a aucun souvenir« d’avoir vécu la moindre difficulté lors de ces négociations. Que ce soit avec la génération Platini, Papin ou Zidane ». C’est normal, il n’était pas ­présent à Knysna (Afrique du Sud), lors du fiasco de la Coupe du monde 2010. Cette année-là, pour ajouter encore un peu aux mauvais traitements infligés au maillot bleu, les ­grévistes avaient traîné des crampons pour finalement renoncer à leur prime, estimée en totalité à 2 millions d’euros. Tout cela est loin.

Lors de l’Euro 2012, en Ukraine et en Pologne, les Bleus auraient gagné 320 000 euros en cas de victoire finale. Deux ans plus tard, s’ils avaient soulevé la coupe du monde à Rio (Brésil), chaque sélectionné aurait touché 200 000 euros. ­Eliminés en quarts de finale par l’Allema­gne, ils s’étaient contentés de 93 000 euros.

Droits à l’image

Cette année, ce sont Hugo Lloris, le capitaine, et Blaise Matuidi qui ont été mandatés par l’équipe pour négocier les primes. En cas de victoire finale, les Bleus auraient touché 300 000 euros. Mais rien du tout s’ils ne s’étaient pas qualifiés pour les quarts, dans la mesure où la compétition se déroulait à domicile.

Cette somme n’inclut pas les droits à l’image. Reversés aux Bleus pour l’utilisation de leur image par les ­différents sponsors, ceux-ci sont ensuite calculés en fonction de leurs apparitions sur le terrain. Hugo Lloris, qui a été titulaire lors de tous les matchs, touchera plus que Christophe Jallet, qui n’a pas joué une seule seconde.

Noël Le Graët a par ailleurs précisé que « les vingt-trois joueurs [laisseraient] 5 % de leurs primes pour tous les joueurs venus en stage avec eux – Areola, Sidibé, Mathieu, Rabiot, Diarra, Ben Arfa, Lacazette et Gameiro ».

Les 300 000 euros avaient été qualifiés de « somme très respectable » par le président de la FFF, qui n’était peut-être pas au courant que son homologue belge avait promis de verser 700 000 euros à chacun de ses joueurs en cas de victoire finale.

Un parfait objet marketing

En réalité, l’habitude de la FFF est de reverser 30 % des sommes données par l’Union des associations européennes de football (UEFA) au terme de la compétition. La générosité de la fédération est ainsi en conjonction avec celle de l’UEFA, qui a distribué 301 millions d’euros de primes sportives à l’ensemble des sélections nationales, dont 18,5 millions d’euros à la France, finaliste, et 26,5 millions au Portugal, vainqueur.

Mais pas de souci de trésorerie : grâce à l’augmentation des revenus générés par le changement de format de la ­compétition, passant de seize à vingt-quatre équipes, l’UEFA devrait engranger environ 2 milliards d’euros.

En fait, l’Euro, tout le monde y gagne. Les Bleus sont redevenus un parfait objet marketing. Antoine Griezmann vaut désormais 100 millions d’euros en cas de transfert. Le président de la République, François Hollande, y glanera peut-être quelques points de satisfaction.

La France tout entière n’est pas en reste : après la Coupe du monde 1998, la consommation des ménages a atteint son plus haut niveau en dix ans. Et en 2002, malgré la défaite des Bleus dès le premier tour, elle avait à nouveau enregistré une hausse…

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