La militante Beyoncé divise les Américains

Le 7 février, lors de la mi-temps du Super Bowl, l'Amérique découvrait une Beyoncé revendiquant haut et fort sa fierté d'être noire.

Elle est noire et tient désormais à le faire savoir ! Quitte à devenir, à 34 ans, une des égéries de la cause afro-américaine aux Etats-Unis. Depuis sa spectaculaire prestation lors de la mi-temps du Super Bowl, le 7 février, la star de la pop suscite une avalanche de réactions admiratives ou outrées : d’un côté, ses soutiens se réjouissent qu’une « artiste noire » affirme des convictions politiques ; de l’autre, les critiques s’indignent qu’une chanteuse populaire ait profité d’une audience captive, et captivée, pour imposer son combat antiraciste.

Devant 110 millions de personnes, suspendues à la séquence télévisuelle incontournable de l’année, « Queen Bey » a interprété Formation, la chanson la plus politique de son répertoire. Vibrionnant au milieu de danseuses coiffées d’un béret inspiré de celui des Black Panthers, ce mouvement radical de défense de la cause noire des années 1960, la Texane y crie sa fierté d’être le fruit de « l’Alabama et de la Louisiane », deux anciens Etats esclavagistes, loue « ses cheveux afros » et son « nez de nègre aux narines de Jackson Five » et revendique sa puissance financière de femme accomplie.

Plus grave encore aux yeux de ses détracteurs, le clip qui accompagne la sortie de ce titre, d’ores et déjà considéré comme un tube, blâme explicitement la violence policière contre les Noirs américains et reprend la gestuelle et le slogan du mouvement Black Lives Matter, lancé après la mort de plusieurs Afro-américains, tués par la police.

Le clip de « Formation » de Beyoncé

Un garçonnet noir, mains en l’air face à un rang de policiers anti-émeutes et la phrase « Ne nous tirez pas dessus » ponctuent les paroles saccadées de la star. Dans un plan de quelques secondes, Beyoncé a même convoqué le champion des droits civiques, Martin Luther King, en qui elle incite à voir « plus qu’un rêveur ». Avant de sombrer, allongée sur le capot d’une voiture de police, dans les eaux de la Nouvelle Orléans, endeuillée, il y a dix ans, par l’ouragan Katrina et l’incompétence de l’administration Bush.

La prestation de Beyoncé a surpris les Américains. Le célèbre show humoristique de NBC « Saturday Night Live » a même diffusé le 13 février un sketch satirique intitulé « Le jour où Beyoncé est devenue noire ». La vidéo a recueilli plus de deux millions de vues sur le compte Facebook de l’émission.

Jusqu’à présent, elle faisait surtout parler son chéquier

Jusqu’à présent, la chanteuse, plutôt avare de déclarations, et son illustre mari Jay-Z avaient surtout fait état de leurs convictions politiques en signant de gros chèques. A deux reprises ils ont apporté leur soutien financier aux campagnes de Barack Obama pour les élections de 2008 et 2012. Ces derniers mois, ils ont réglé les cautions fixées par la justice pour sortir de prison des manifestants interpellés lors de marches contre les violences policières à Ferguson (Missouri) ou Baltimore (Maryland).

Quelques jours avant le Super Bowl, ils avaient fait savoir que leur société de streaming, Tidal, venait de faire un don de 1,5 million de dollars au mouvement Black Lives Matter et à d’autres associations de défense des droits civiques.

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Côté conservateur, les critiques se sont empressés de rappeler qu’en 2016, affirmer sa fierté d’être Noir ne relève plus vraiment d’une gageure pour les artistes et que l’empire financier bâti par le couple est bien éloigné des valeurs portées par les Black Panthers ou le mouvement Black Lives Matter.

Quoi qu’il en soit, après ce coup d’éclat, de pub et/ou de colère, nul ne pourra plus dire de Beyoncé qu’elle est moins « noire » que le chanteur militant Bruce Springsteen, ainsi que l’avait déploré l’artiste et militant afro-américain, Harry Belafonte.